À 51 ans, le styliste japonais livre un album aux BPM variables, pas toujours surprenant mais exigeant et animé par l’envie tenace de s’amuser aux côtés de ses potes rappeurs.
En tant que styliste, Nigo fait partie de ceux qui ont fait entrer le streetwear dans le monde de la haute couture, popularisant avec la marque Bape l’idée qu’il peut être cool d’acheter 400 dollars un sweat à capuche avant d’aller faire le beau sur les podiums de la Fashion Week. En parallèle, on connaissait également les connexions du Japonais avec Pharrell, et plus généralement avec la culture hip-hop, au point d’en proposer sa propre vision au sein des Teriyaki Boyz.
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Les beats charismatiques, l’énergie bondissante, les gimmicks marquants : tout était bien là au sein des trois albums de sa formation, mais revisité à sa façon, sans paresse ni snobisme. C’est même avec un naturel séduisant que Nigo a toujours cherché à croiser le rap et le monde de la mode.
Bien entouré
Dernier exemple en date : la collection automne-hiver de Kenzo, dont il assure la direction artistique. En janvier, l’icône japonaise profitait ainsi de cette présentation pour dévoiler en avant-première dix morceaux extraits de son nouvel album solo, tout entier tourné vers l’autocélébration (I Know Nigo dit le titre) et l’amitié.
À la vue du tracklisting, on en vient vite à se demander à quoi aurait pu ressembler ce disque si le producteur/DJ ne comptait pas dans son entourage proche des artistes de la trempe de Pharrell, A$AP Rocky, Tyler, The Creator, Clipse ou encore Kid Cudi et Lil Uzi Vert.
Tous ont répondu à l’appel, non pas dans l’idée de récupérer les dernières créations du couturier, mais simplement dans l’idée d’offrir un peu de constance (et de prestige) à un long format qui explore de nombreuses pistes : la trap enfumée (Arya), les mélodies planantes (Functional Addict, très N.E.R.D), les inclinaisons club (Morë Tonight) et même une version modernisée du boom-bap (Hear Me Clearly).
Tourné vers l’avenir
À 51 ans, et après une crise de la quarantaine qu’il dit assez ardue, Nigo prouve ici qu’il a toujours la niaque. C’est même là la première leçon à retenir d’I Know Nigo : le Japonais déteste le passé, et déteste probablement encore plus qu’on puisse l’y condamner. Ce qui l’intéresse, c’est d’être au fait des dernières tendances, voire même de les absorber dans des chansons tantôt souples, tantôt musclées, mais toujours soutenues par un mix malin, respectueux de la qualité de la production.
Un goût pour les exercices de style qui pêche parfois par manque de point de vue (Want It Bad ressemble à une sous-version d’un tube de Kid Cudi), mais emporte finalement l’adhésion grâce au talent des rappeurs, suffisamment expérimentés et costauds pour s’accaparer n’importe quel beat.
Il faut ainsi entendre Pusha T faire parler sa technique sur Punch Bowl, le falsetto de Pharrell contrebalancer avec la fureur d’A$AP Ferg sur Paper Plates, ou encore les échos à OutKast orchestrés par Tyler, The Creator sur l’ultime Come On Let’s Go. N’y cherchons pas nécessairement de sens, apprécions simplement le geste.
I Know NIGO (Republic Records/Universal). Sortie le 25 mars.
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