Dans “En même temps”, les ambassadeurs de Groland érigent la magouille politique en allégorie grivoise… Et mettent aux prises deux comédiens à l’abattage comique réjouissant.
Didier Bequet (Jonathan Cohen), un maire de droite excessivement décomplexé(e), est bien décidé à convaincre un maire écologiste, Pascal Molitor (Vincent Macaigne), lors de la réunion d’agglomération qui a lieu le lendemain, de voter en faveur de la construction d’un parc de loisirs qui nécessiterait la destruction d’une forêt primaire. Folie ? Pas sûr, car Bequet est rusé. Il invite Molitor à dîner, le fait boire, puis l’emmène dans le bar à prostituées du coin, Le FMI.
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Or Sandra (India Hair), la nouvelle recrue de la boîte, est en réalité une militante féministe infiltrée. Ayant entraîné les deux hommes, bien pintés, dans une backroom, elle profite de l’obscurité pour les coller ensemble avec de la Super Glue. Les voici encastrés l’un derrière l’autre… Ils n’ont que quelques heures pour trouver un moyen de se décoller avant la réunion.
Idée limite ? Certes. Mais Kervern et Delépine sont quand même des citoyens de Groland, il ne faut donc pas être très surpris·es par la teneur de leur humour – d’ailleurs, dans le dossier de presse, ils avouent avoir longtemps hésité… Ils se débrouillent même pour aborder indirectement la question dans le film, puisque la “Colle Girl” India Hair se demande à un moment si elle n’est pas allée trop loin. Jonathan Cohen, en Sarkozy de pacotille, et Vincent Macaigne, en dépressif, sauvent aussi la mise, tant ils sont drôles.
Le miroir de notre société et de notre actualité
Cette fausse sodomie de la gauche par la droite est évidemment allégorique et va entraîner toute une série de gags, de rencontres avec des hurluberlu·es censé·es les aider. On finit par oublier l’aspect graveleux de la situation pour ne plus voir qu’une chimère, prenant la forme de frères siamois aux idées opposées, mais obligés de s’entraider. “Ni de gauche ni de droite” est un slogan “jupitérien” stupide, semble dire le film : une démocratie a besoin de deux piliers qui s’opposent pour former un arc-boutant.
K & D continuent leur petit bonhomme de chemin, qui consiste à se faire le miroir de notre société, de notre actualité. Sortir ce film à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle n’a évidemment rien d’anodin. Le portrait à charge du petit baron de droite local est réussi. K & D montrent aussi qu’être écologiste, ce n’est pas drôle, parce que ça consiste à forcer les gens à revoir leur manière de vivre. Et que la lutte féministe, c’est compliqué aussi. Le film se clôt par un happy end inattendu, utopiste et, comme pour rattraper ses blagues outrancières, par une série de slogans en faveur de la lutte des femmes. On n’avait jamais vu le duo si rougissant, en fait.
En même temps de Gustave Kervern et Benoît Delépine, avec Jonathan Cohen, Vincent Macaigne, India Hair (Fr., 2022, 1 h 46). En salle le 6 avril.
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