Sinueux mais cohérent, le parcours exemplaire du groupe de Stuart Staples se retrouve élégamment – et chronologiquement – récapitulé en vingt chansons.
Au-delà du passage symbolique des trente ans de carrière en 2022, il n’est pas anodin que la formation de Stuart Staples sorte aujourd’hui un résumé de son parcours. Non que Tindersticks voudrait fermer boutique, mais parce que le récent Distractions (significativement écarté de ce florilège) semblait marquer comme un nouveau départ. Hypothèse que vient donc confirmer Past Imperfect en faisant de la longue période de 1992 (Patchwork, premier 45t) à 2019 (No Treasure but Hope) un tout homogène.
Si la cohérence de la sélection est indiscutable, on y discernera au moins deux versants, de Nottingham à la Creuse pour Stuart Staples qui, surtout, a repensé en cours de route l’architecture de son vénéneux orchestre. Dès City Sickness (titre évocateur des atmosphères “mal du siècle” que dépeignent les compositions du groupe), une esthétique est posée : nocturne, soyeuse, cinématographique.
Une collection plus attentive à l’émotion qu’à la complétude
Les cordes (magnifique Tiny Tears) exhaussent un romantisme parfois tamisé, parfois appuyé, mais aussi une urgence qui réserve de belles envolées, du quasi-western du Her des débuts jusqu’à un See My Girls qu’on aurait aimé voir placé en écho.
On trouvera forcément ici des lacunes, des béances (le beau Curtains est sous-représenté, et The Hungry Saw, adoré par le pianiste David Boulter, est absent), mais c’est aussi par elles que s’infiltre la lumière. Et ces morceaux auxquels les chœurs donnent une âme soul (Can We Start Again?, ou This Fire of Autumn sur le très présent The Something Rain) apportent un relief liquoreux à cette collection plus attentive à l’émotion qu’à la complétude. Y glisser ainsi le spoken word de My Sister est un gage des meilleures intentions de l’entreprise.
L’incontournable collaboration avec Claire Denis est évoquée en fin de course avec Willow, tiré du spatial High Life, cette fois chanté par Staples lui-même, et l’inédit Both Sides of the Blade destiné au prochain film de la cinéaste. L’inclusion en avant-dernière position de la superbe Pinky in the Daylight, avec sa joyeuse mélancolie aux lumineux accents méditerranéens, donne in fine à l’ensemble la forme d’un chemin vers la clarté – ce qui reste une grille de lecture possible à travers une discographie qui, tout en restant fidèle à ses fondamentaux, n’aura eu de cesse de faire des volutes.
Past Imperfect: The Best of Tindersticks ‘92-‘21 (City Slang/PIAS). Sorti depuis le 25 mars. En concert le 26 avril à Lille (Théâtre Sébastopol) et le 27 avril à Paris (Grand Rex).