Jusqu’au 3 avril, le concept store éthique parisien repense le temps long et la réinvention des matériaux sous la forme d’une exposition globale.
Réparer les choses : voici comment s’intitule l’exposition qui investit les murs de la boutique multimarque Merci boulevard Beaumarchais. Là, tissus vintage, meubles et objets design vintage ou upcyclés et créations à base de deadstocks viennent repenser l’achat, la notion de récupération, le temps long et la réflexion autour de tout ce que l’on acquiert.
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Rencontre avec le président de l’espace, Arthur Gerbi, pour discuter de ce luxe d’un autre genre.
Le temps long, l’artisanat et la question de la cyclicité dans la mode et le design ont toujours été au cœur des valeurs de Merci. Néanmoins, remarquez-vous un plus grand éveil à ces sujets depuis ?
Arthur Gerbi – Effectivement, on remarque un éveil sur ces sujets ces dernières années. Une véritable prise de conscience. L’époque est à l’achat réfléchi, au recyclage, au réemploi, aux réparations, aux techniques artisanales pour redonner vie à des objets. De notre côté, Merci proposait déjà, dès son ouverture en 2009, des pièces vintage de mobilier et de mode. Nous avons toujours eu pour ligne directrice de choisir un bel objet plutôt qu’une marque et dans ce contexte, le vintage s’est imposé de lui-même. D’une part pour la logique durable, d’autre part pour l’amour de la patine du temps, et bien sûr pour le goût que nous avons pour les objets intemporels.
Aujourd’hui, la question du rebut, la fin de vie d’un objet, de la recup’ et de ce que l’on nommait autrefois déchet, semble avoir muté, perdu certains de ses tabous et être à l’avant-scène de nouvelles questions écologiques. Que s’est-il passé ?
Aujourd’hui, on place l’environnement de plus en plus au cœur des préoccupations. Du côté des créateurs comme des consommateurs, nombreux sont ceux qui en appellent à une consommation plus responsable. L’upcycling, le vintage et en ce moment la réparation sont des sujets qui reviennent chez Merci depuis plusieurs années. La réparation était signe de pauvreté il y a encore quelques années, mais aujourd’hui cet acte combine écologie et créativité. Sans donner de leçon, l’idée est de proposer des solutions. Bien souvent, ces solutions sont coûteuses car chaque pièce est unique. Alors en partant de cette contrainte, nous apprécions les créateur·rices qui subliment la réparation ainsi que l’objet réparé.
Dans cette exposition, on parle d’une réparation qui s’affirme – le système D a-t-il acquis ses lettres de noblesse ? Qu’est-ce qui a changé dans le regard du consommateur qui accepte un objet luxueux et à la fois réparé ?
Pour nous, le système D a toujours eu ses lettres de noblesse. Réparer ou recycler nécessite plus de travail et de créativité qu’un objet produit en série et qui sort tout juste d’une usine. Aujourd’hui, la réparation ne se cache plus mais se voit, s’affirme, s’impose comme un prétexte pour se démarquer. Comment ne pas penser au kintsugi, cet art japonais qui consiste à reconstituer des céramiques cassées avec de l’or. Les imperfections deviennent alors des signes distinctifs, les fissures sont sublimées…
Quelle philosophie et regard sur la création et l’innovation souhaitez-vous encourager par cette exposition ?
L’envie de faire renaître, de créer à partir de l’existant et pour l’existant, dans une démarche d’esthétique et de qualité. Valoriser certains métiers, savoir-faire, personnalités, est une manière de se repositionner chaque jour un peu plus dans l’essentiel. Surtout, c’est faire à partir de l’existant alors que bien souvent, l’époque est au travail à partir de la page blanche. Même si cette dernière méthode a ses vertus, il faut reconnaître ceux qui créent sous la contrainte.
Propos recueillis par Alice Pfeiffer.
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