Film social ? Certes. Mais pas seulement. Un joli film très bien composé avec une Laure Calamy une fois de plus extraordinaire.
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L’idée du film et le parti pris de sa mise en scène semblent être de filmer la vie quotidienne d’une femme seule avec deux enfants comme un suspense permanent : arrivera-t-elle à l’heure à l’école ? Aura-t-elle son train ? Sera-t-elle en retard au boulot (elle travaille comme femme de chambre dans un palace parisien), chez la nounou le soir pas trop tard, etc. ? L’enfer épuisant et quotidien de celles et ceux qui vivent dans la grande banlieue parisienne, à la merci des pannes de rames et des retards de RER…
Le scénario ajoute une petite touche maligne en ajoutant à cette course éperdue, une grève générale qui va dérégler l’emploi du temps déjà très serré de l’héroïne, Julie (Laure Calamy). Pourtant, rien de démagogique dans le film d’Eric Gravel, qui nous épargnent les lamentations habituelles des pleureur·euses de droite sur la “prise en otages des usagers”. C’est un fait : il y a des grèves.
Malgré tout, au début, Julie tient le coup (et aussi la forme, entre nous), aussi parce que des gestes d’entraide s’organisent, les automobilistes font du co-voiturage, ses collègues la soutiennent, cachent ses retards et ses absences. En réalité, Julie est bourrée de diplômes et a une piste sérieuse dans une grosse boîte. Et puis cette grève ajoute aussi une touche fantastique au film : derrière des fumées qui s’élèvent entre les immeubles, les embouteillages, la violence qu’on sent sans vraiment la voir, filmée avec peu de profondeur de champ, l’idée d’un chaos se profile à l’horizon.
Monoparentalité
Le film pourrait s’arrêter à ce constat social brut : la monoparentalité : quel cauchemar ! D’autant que l’ex-compagnon, père des enfants, ne verse pas sa pension alimentaire, et est injoignable. Mais il y a le personnage de Julie, et son interprète, une fois de plus formidable, qui font aussi tout le prix du film. Laure Calamy, dans un registre plus dramatique que d’habitude (et même si elle sait aussi apporter un peu d’humour à certaines situations), est de chaque plan. Je n’aime pas ce cliché critique, mais elle porte littéralement le film “sur ses épaules”, et l’étendue de sa palette de jeu est impressionnante. Quand, sans prévenir, elle embrasse sur la bouche le père d’un des camarades de classe de son fils dans la cave où il vient de réparer son chauffe-eau, et qu’elle se prend un (très délicat) râteau, Calamy joue le remords, le dépit, l’espoir déçu avec une remarquable dignité.
Il faut voir son visage se décomposer quand la nounou lui explique que sa fille menace de la dénoncer aux services sociaux si elle ne s’occupe pas davantage de ses enfants. Le grand vide, la honte, l’effroi qui creusent alors son corps, son âme, son délitement intérieur, nous les comprenons, nous les prenons de plein fouet. Il faut voir aussi, à travers un geste d’une grande banalité (poser sa main sur sa taille), tous les sentiments que Laure Calamy y fait circuler : la joie, le soulagement, la fierté, le bien-être, etc. Mais quelle actrice, mes ami·es, quelle actrice ! D’ailleurs récompensée, ainsi que la réalisation, au dernier festival de Venise, dans la section Orizzonti.
À plein temps d’Eric Gravel, avec Laure Calamy, Anne Suarez, Geneviève Mnich… En salle le 16 mars
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