Le ministère de l’Education nationale a publié les « indicateurs de résultats » des lycées. Le critère de « valeur ajoutée » fait disparaître les Henri-IV et autres Louis-Le-Grand du haut du classement. Quel crédit apporter à ces chiffres ?
Chaque année, à l’heure où les élèves s’apprêtent à exprimer leurs vœux pour l’entrée en seconde, c’est la même histoire. Le ministère de l’Education nationale publie les « indicateurs de résultats » des lycées. Surtout pas de classement. Il n’empêche, les médias s’empressent de transformer tout ça en palmarès. Parce que, comme le souligne le sociologue François Dubet, « on a beau dire que tous les établissements se valent, dès qu’il s’agit de nos enfants, ça change tout. »
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Passé le débat stérile sur l’intérêt de savoir si votre lycée de quartier est dans le top 20, « il est important de pouvoir faire des comparaisons, selon Marie Duru-Bellat, professeur à Sciences Po Paris et elle aussi sociologue spécialisée dans les questions d’éducation. Surtout ces temps-ci, où les écarts entre les lycées se creusent. Sinon, on casse le thermomètre et on n’a plus d’instrument de mesure. Au risque de laisser des lycées se dégrader. »
« Pas de publicité mensongère pour les lycées prestigieux »
« Tout cela est assez bien ficelé, indique la sociologue. Après, on peut toujours discuter la méthode. Ces études se focalisent surtout sur le bac. On peut dire que le lycée n’est pas fait uniquement pour mener les élèves au bac. Mais l’avantage d’un examen national, c’est qu’on peut comparer. »
Parmi les indicateurs, le taux d’accès au baccalauréat, qui permet de voir si l’établissement n’est pas du genre à se débarrasser des plus faibles en cours de route.
« Produire des indicateurs objectifs a le mérite de laisser moins de place à la publicité mensongère pour des établissements prestigieux », précise François Dubet. Dans ces lycées, certes, 100 % des élèves ont le bac, mais l’établissement n’a pas vraiment de mérite puisqu’il a recruté de bons élèves issus de milieux favorisés.
En ajoutant d’autres exigences, le ministère fournit ce qu’il appelle « la valeur ajoutée ». Un « critère d’efficacité » en quelque sorte, qui fait que des établissements de renom comme le lycée Hoche à Versailles ou Henri IV ne figurent pas dans le haut des classements.
La réputation, premier critère pour les parents
Tout cela est bien joli, mais la « valeur ajoutée » d’un lycée, pas sûr que ce soit la première préoccupation des parents… « Ils fondent leur jugement sur la réputation et le recrutement des lycées, détaille François Dubet. Si la bourgeoisie de la ville va dans ce lycée, c’est qu’il doit être bon. Ils regardent le résultat : quel lycée produit le plus de mentions au bac, par exemple. » Et demandent des dérogations.
Ou filent dans les établissements privés, qui trustent le haut des classements. Parmi les 50 premiers lycées du Palmarès Figaro figurent 80% d’établissements privés, alors qu’ils ne représentent que 20% de l’effectif général.
Etonnant, d’autant qu’on ne peut pas reprocher à ces lycées une sélection en amont, puisque le ministère prend en compte cette donnée dans ses indicateurs. Mais « pas illogique » pour Marie Duru-Bellat. On peut penser que les lycées privés sont plus efficaces, puisque leurs élèves sont des clients et qu’ils ont intérêt à les garder. Et que donc les profs se donnent plus de mal. Comme dans une logique d’entreprise. »
{"type":"Banniere-Basse"}