Impressions sur la nouvelle création de David Simon (The Wire). Quand des musiciens dans la Nouvelle-Orléans dévastée rejouent les fondations de l’Amérique.
L’arrivée d’une nouvelle série créée par David Simon faisait frémir de joie les amateurs du monde entier – même si l’ancien journaliste n’est pas seul, secondé par son complice d’une décennie, Eric Overmeyer. L’homme derrière The Wire, plongée ultime dans les ghettos de Baltimore, traversée sans radar de l’âme américaine, a en effet acquis une réputation de génie, comme personne ou presque avant lui à la télévision.
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Depuis le 11 avril, la foisonnante Treme (prononcer « Treumé ») comble cette attente un peu folle avec une langueur bienvenue. La série commence à l’automne 2005, trois mois après le passage de Katrina sur la Nouvelle-Orléans (1800 morts, des centaines de milliers de déplacés) et propose un regard sur les suites de la catastrophe qui a non seulement favorisé la chute de George W. Bush sur le plan de la politique intérieure, mais aussi forcé un pays entier à réfléchir sur lui-même.
Car les dégâts de l’ouragan et leurs suites ont remis en cause très durement le dogme selon lequel chacun demeure égal face aux catastrophes naturelles, en touchant d’abord les populations noires déshéritées.
« Il s’agit d’un désastre créée par l’homme », hurle un activiste joué par le génial John Goodman, avant d’essayer de balancer la caméra de l’équipe télé qui l’interroge dans un fleuve.
C’est sur ce point précis que se penche David Simon, habitué à regarder ce que les autres oublient. Pour cela, il scrute les vies à reconstruire d’une poignée d’habitants de la ville liés à ce qui en fait l’identité depuis plus de cent ans : la musique.
Le pilote de Treme dure 80 minutes et s’ouvre sur la longue procession d’une fanfare jazz dans les rues encore dévastées, la première depuis l’ouragan, filmée avec une candeur et une tension mêlées absolument stupéfiantes – la réalisatrice Agnieszka Holland est aux manettes. « J’entends une renaissance, » glisse un animateur radio réveillé par le bruit, avant de rejoindre les musiciens.
Autant The Wire était une grande série sur les vampires, sur ceux (dealers, politiciens, flics) qui se nourrissent de la mort pour avancer, autant ici, les survivants occupent la scène. Plutôt que s’épancher sur des ruines, Treme s’attache à la puissance d’une refondation.
Pour l’instant, nulle violence sinon symbolique, à peine l’ombre des institutions en déshérence. Simon veut filmer une communauté humaine ordinaire, livrée à elle-même mais à la force irrépressible. La bande son, qui va de Mystikal à Louis Prima, brasse d’ailleurs un melting pot lumineux.
Comme un guide, l’un des personnages reconstruit sa maison. Ce (relatif) optimisme devrait accoucher sur le long terme d’une série moins rêche que The Wire. Au risque d’une certaine fadeur ? Toute prédiction paraît légère : la première leçon de l’art du feuilleton tel que l’a redéfini David Simon consiste à attendre patiemment que se déplie une immense toile narrative. Déjà au-dessus du lot, Treme pourrait alors devenir inoubliable.
Treme, le dimanche sur HBO. Prochainement sur Orange cinéma séries.
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