Elmore Leonard, l’auteur de polars qui a inspiré Jackie Brown, se décline maintenant en série.
Le cinéma a longtemps gardé la main sur Elmore Leonard. Dès 1957, l’une des nouvelles de l’écrivain, 3 heures 10 pour Yuma, était adaptée par le maître du western tendu, Delmer Daves. Les années 1990 ont remis Leonard au goût du jour grâce à Quentin Tarantino, dont le Jackie Brown (1997) s’inspirait de Rum Punch, Steven Soderbergh adaptant de son côté Hors d’atteinte (1998). Deux films d’atmosphère et envoûtants, deux films sur la défaite du bien dans un monde englué.
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La télévision avait bien essayé à plusieurs reprises d’adapter cet écrivain singulier, avec par exemple Karen Sisco (2003-2004), qui reprenait l’un des personnages du film de Soderbergh. Mais la tâche s’avérait difficile, jusqu’au jour récent où quelqu’un a trouvé la solution : inclure Elmore Leonard au travail d’écriture.
Retour au pays natal pour le Sheriff
A 84 ans, Elmore Leonard se voit donc crédité comme producteur exécutif de Justified, une nouvelle série diffusée depuis le 16 mars sur la chaîne américaine FX (The Shield, Nip/Tuck, Sons of Anarchy). Celle-ci puise son matériau de départ dans deux romans de Leonard (Pronto, Riding the Rap), tandis que le pilote reprend la nouvelle Fire in the Hole. Soit l’histoire de Raylan Givens, un US Marshall à la fois placide et nerveux de Miami, transféré dans le Kentucky, où il est né, pour avoir un peu trop joué de la gâchette avec un trafiquant de dope. Là-bas, dans une ex-ville minière dézinguée, Givens retrouve les paysages, les odeurs et les corps qui ont peuplé son enfance et sa vie de jeune adulte. Une aventure aussi douce que déprimante.
C’est avec ce retour au pays natal que la série trouve son point d’entrée et son équilibre initial. Sans se laisser brusquer par le souci de boucler une intrigue hystérique, Graham Yost (créateur de Justified) et Elmore Leonard s’intéressent de près aux sensations retrouvées de leur héros. L’une des plus belles scènes le montre en compagnie d’une jolie blonde qui le revoit pour la première fois depuis l’adolescence et ne peut s’empêcher de l’embrasser tout de suite et goulûment, en lui susurrant qu’elle a toujours eu un faible pour lui. Cette façon de montrer le retour brutal des désirs anciens ne pourra pas être exploitée longtemps, mais on ne voit pas pourquoi bouder ce plaisir immédiat.
Subtile et enlevée, la série déconstruit les gestes et les thèmes du western (duels, vengeance, quête du territoire) en les plaçant dans l’Amérique d’aujourd’hui, loin du travail de destruction lyrique du genre qu’avait accompli Deadwood (HBO, 2005-2006). Les restes de mythologie passionnent toujours : avec 4,3 millions de téléspectateurs pour le pilote, FX a réussi son meilleur lancement de série depuis The Shield en 2003. On espère pour Justified qu’elle tiendra aussi longtemps que sa glorieuse aînée (sept saisons), même si on en doute. Déjà vu dans Deadwood, Timothy Olyphant, qui joue le rôle principal, est un acteur intéressant mais légèrement falot, un Henry Fonda du pauvre. Jusqu’où parviendra-t-il à nous captiver ?
Justified, série créée par Graham Yost. Sur FX et iTunes US.
Photo : Timothy Olyphant dans Justified
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