Héritière de “Final Fantasy Tactics”, la nouvelle production Square Enix destinée à la Switch est d’abord un modèle de mise en scène et de narration interactive.
Alors que la planète gaming s’extasie (à raison) devant les univers épiques d’Horizon : Forbidden West et d’Elden Ring, un jeu loin d’être une petite production ose une approche bien différente de la création de monde et de la fiction aventurière.
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Observé d’un œil distrait, Triangle Strategy pourrait même presque passer, avec ses petits personnages en 2D, pour l’un de ces classiques des années 1990 remasterisés dont Square Enix s’est fait une spécialité, à l’image du précieux Final Fantasy VI Pixel Remaster sorti à peine une dizaine de jours plus tôt et dont la fréquentation simultanée se révèle très recommandée. Mais non : le jeu de rôle tactique de l’éditeur japonais est bien une nouveauté de 2022 qui, sur le plan de la force romanesque, n’a rien à envier à personne.
Dioramas scintillants
Ce monde n’est pas le nôtre. Nous ne sommes pas les habitant·es de ses villes ou des visiteur·euses immergé·es dans ses campagnes, mais plutôt des témoins passionnés et néanmoins distants de ce qui leur arrive. Nous sommes au théâtre, disons, un art qui pourrait être le véritable modèle de Triangle Strategy là où le jeu vidéo moderne s’inspire plus volontiers du cinéma. Cela tient au mode de représentation choisi, dans la lignée d’Octopath Traveler que l’on devait en partie à la même équipe, avec des décors en deux dimensions aux couleurs et aux éclairages très soignés, agencés de manière à donner une impression de profondeur. Et aussi au jeu des acteur·trices qui amènent de la vie sur ces scènes aux allures de dioramas scintillants.
On ne parle pas ici des visages à l’expression immuable des occupant·es de l’écran, mais des voix par lesquelles passent les nuances de ce qu’ils se disent, de la moquerie à l’ivresse en passant par l’ambition dévorante. Même les moments un rien grandiloquents, portés par la musique, ne font pas vaciller cet édifice esthétique faussement modeste et vraiment ambitieux : comme au théâtre, c’est par une forme de stylisation (plutôt que par la quête du “naturel”) que les protagonistes nous touchent et que l’intrigue se déploie.
Feuilleton au long cours
Dans la grande tradition du jeu de rôle japonais, cette dernière entremêle la géopolitique et les destins individuels en nous lâchant au milieu du conflit entre trois puissances qui luttent pour le contrôle des ressources naturelles. Si le cœur de l’expérience est constitué par les affrontements “tactiques” à la manière d’une partie d’échecs dont les pièces commenteraient les événements en direct, c’est tout ce qui les entoure qui fait de Triangle Strategy un jeu à part. Son côté feuilletonnant, au long cours et en prenant son temps. Sa manière d’intégrer le doute et le débat dans la narration, jusqu’à faire parfois voter les camarades de notre héros pour décider de la suite des événements. Sa volonté, plus généralement, de faire de son histoire à la fois une matière malléable et un objet d’investigation.
Car, oui, avec ses riches et entêtantes batailles, Triangle Strategy apparaît bien comme un digne héritier du très culte Final Fantasy Tactics. Mais ce qui enchante vraiment chez lui, c’est le relief étourdissant qu’il donne à son récit.
Triangle Strategy (Square Enix), sur Switch, environ 60€ ; Final Fantasy VI Pixel Remaster (Square Enix), sur iOS, Android et Windows, environ 18€
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