“This is the chair”. Dans l’épisode 9, ”Twin Peaks” revient sur terre et tourne autour de la figure du Major Briggs, figure importante de la série. Cela dit son corps, qu’on aurait retrouvé à Buckhorn, n’avait plus de tête. Gordon Cole et ses fins limiers du FBI mènent l’enquête…
Retour à la normale, façon Lynch, avec un épisode de transition où les fulgurances cosmiques du n° 8 sont (provisoirement) calmées. L’enjeu ici est de faire avancer le récit sur au moins trois fronts : Twin Peaks, Buckhorn et Las Vegas, sans oublier le ranch où Evil Cooper ressuscité réapparaît.
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Un épisode simple… en apparence seulement. Car au-delà du récit et de sa progression dramatique, Lynch y met un accent maniaque sur la platitude du quotidien. Il sur-banalise le réel. D’abord avec quelques gags (Tim Roth appliquant à la lettre la directive de Evil Cooper “Kill that phone !” en “tuant” un mobile. Ou bien Albert Rosenfield, l’agent du FBI cynique, demandant après l’annonce de plusieurs meurtres : “Qu’est-ce qu’il se passe à la Saison 2 ?”).
Ensuite par une insistance fétichiste sur des objets, des détails : le regard de Dougie Jones composant un rébus : il se fixe successivement sur un drapeau américain, des chaussures rouges à talons, et une prise de courant ; le duel comique par PC interposé du shérif Andy et de sa dulcinée la secrétaire Lucy, qui se chamaillent pour commander les mêmes meubles, soit rouges, soit beiges ; l’insistance de la femme du Major Briggs pour offrir du café aux policiers en visite ; la platitude codée du SMS (d’Evil Cooper) reçu par Diane (Laura Dern) :“Around the table the conversation is lively” (à table, la conversation est animée)…
https://www.youtube.com/watch?v=DWrDgxIdano
L’excès de normalité, vecteur de la folie lynchienne
L’excès de normalité, chez Lynch, génère le malaise. Idem pour l’excès d’émotion, un moteur du succès du premier Twin Peaks, qui le fit comparer à un soap opera. Quand les trois gros policiers qui mènent l’enquête sur la tentative de meurtre dont a été victime Dougie Jones sont hilares, cela dépasse les bornes du raisonnable. Idem quand William Hastings, suspect du meurtre de Buckhorn, narre son incompréhensible histoire d’au-delà et de Zone (la Loge noire ?), il pleurniche hystériquement.
Le point de vue global est un peu celui d’un autiste pour qui le monde serait non seulement inintelligible mais aussi surexpressif. D’ailleurs, cet autiste virtuel est peut-être figuré par Dougie Jones, qui évolue au ralenti et s’exprime en répétant ce qu’on lui dit. De toute évidence, cette immersion dans la “normalité too much” est une des facettes fascinantes et essentielles de cette troisième saison. Mais tout cela ne ne nous avance pas d’un iota sur la question récurrente que se posent tous les fans : quand Audrey Horne va-t-elle enfin réapparaître ?
Incarnée par Sherilyn Fenn, celle qui fut en gros la star des deux premières saisons (plus que Laura Palmer), devrait ou aurait déjà dû revenir, bien que dans le récit son personnage ait été victime d’une explosion dans une banque. Quelque chose nous dit que le retour d’Audrey est un bluff.
Autre rumeur, beaucoup plus souterraine et hypothétique : la prestation top secret de David Bowie, reprenant le rôle de Philip Jeffries (agent maléfique du FBI), qu’il incarnait dans Twin Peaks Fire with me. Permettons nous de douter que cela ait été possible avant la mort du chanteur malade…
Lynch, parrain de la Dream Pop
Pour finir, la musique, comme dans la série. En effet, c’est un rituel : quasiment chaque épisode se termine par une chanson interprétée live au Bang Bang Bar. Dans le n° 9, on note le retour du groupe féminin Au revoir Simone (déjà présent dans l’épisode 4). Cela rappelle que, parallèlement à son activité de cinéaste, et accessoirement de peintre, Lynch est aussi musicien et a parrainé la branche la plus éthérée du shoegazing, baptisée parfois “dream pop” – dont certains représentants donnent une touche finale aux épisodes de Twin Peaks 3 (excepté Nine Inch Nails, fer de lance du rock indus, dans l’épisode 8).
Lynch a posé il y a longtemps les bases synthétiques de ce sous-genre éthéré avec la chanteuse Julee Cruise (musique : Angelo Badalamenti), tout d’abord dans Blue Velvet, puis dans Twin Peaks. Ceci n’étant dans le fond que la suite d’une chanson des seventies, In heaven de Peter Ivers, interprétée en playback par Laurel Near dans Eraserhead, le premier film du cinéaste. Comme le dit Lynch en paraphrasant les Beach Boys, “Be true to your school”. Pour ça, pas de problème : David est constant et fidèle à lui-même.
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