Le duo, compositeur de la musique du film “Annette”, en lice pour onze César, jouera sur scène lors de la cérémonie du 25 février. Il nous accorde à cette occasion une interview exclusive.
Avez-vous déjà joué dans une cérémonie de ce genre par le passé ? Qu’est-ce que cela représente de spécial pour vous ?
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Russell Mael – Je pense que c’est la première fois que nous jouons dans une cérémonie télévisée. Et nous sommes particulièrement honorés qu’il s’agisse d’une cérémonie française, vu le lien très fort que nous avons noué avec la France au cours de notre carrière. Nous avons eu de nombreux projets, musicaux comme avec les Rita Mitsouko (les Sparks ont participé à trois chansons de l’album Marc et Robert en 1988, ndlr), ou cinématographiques avec Jacques Tati, même si cela n’a hélas pas pu aboutir (Ron ou Russell aurait dû tenir le rôle principal de l’ultime film du cinéaste, Confusion, finalement abandonné faute de budget, Ndlr. Jouer aux César est très spécial pour nous.
Ron Mael – Et c’est aussi un plaisir supplémentaire de le faire avec Antoine de Caunes en maître de cérémonie ! Nous avons connu Antoine en tant que journaliste rock très tôt dans notre carrière.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la performance du 25 février ?
Russell : Nous avons voulu faire quelque chose dans les codes d’un certain spectacle télévisé assez inhabituel par rapport à notre culture de la pop et du rock. Nous allons notamment faire appel à l’orchestre des César, dans l’esprit de la cérémonie.
Votre tournée doit démarrer bientôt. Est-elle associée à Annette ou destinée à tourner cette page ?
Russell : Nous jouons deux morceaux d’Annette. So May We Start est une introduction idéale, comme une grande ouverture lyrique pour nos concerts. Nous l’avons déjà testée au Disney Hall de Los Angeles. Nous jouons également We Love Each Other So Much, dont j’interprète à la fois les passages d’Adam Driver et ceux de Marion Cotillard.
Comment avez-vous vécu la trajectoire du film en salles dans un contexte de pandémie ? 2021 a été une année historiquement difficile pour le cinéma d’auteur, et Annette n’a pas fait exception.
Russell : Notre vécu, c’est d’abord la présentation du film en ouverture de la Compétition officielle à Cannes. En y ajoutant les César, cela forme tout de même pour nous une expérience incroyable, de ressentir ainsi l’intérêt réel que le film a suscité. Et je comprends que vous parliez de cinéma d’auteur, mais avec Annette nous avons espéré justement casser ces catégories, qui ont tendance à pousser les films à n’être vus que par une petite minorité de spectateurs – de la même manière que nous essayons de faire avec Sparks une musique populaire, en dehors des codes mainstream, mais tout de même adressée à une grande audience. Donc je ne mets pas forcément cette étiquette “auteur” sur le film.
Est-il toujours envisagé qu’Annette devienne une comédie musicale sur scène ?
Ron : Nous n’avons pas de projets spécifiques, mais ce serait naturel. C’était même l’idée d’origine. C’est totalement dans notre tête même si rien de concret n’est prévu pour l’instant.
Leos Carax serait-il impliqué ?
Ron : Nous ne le lui avons pas demandé, mais nous le ferons. Je ne crois pas qu’il ait déjà travaillé sur des projets scéniques mais peut-être sera-t-il tenté par le défi. Nous lui glisserons la question quand nous le verrons.
Êtes-vous toujours en contact régulier avec lui ?
Russell : Oui, travailler avec quelqu’un pendant huit ans crée forcément des liens. Nous sommes très bons amis maintenant. Nous sommes venus à Paris, Leos à Los Angeles, et notre affection pour lui en tant qu’artiste s’est naturellement transformée en un lien plus personnel.
Votre participation aux César est l’occasion de parler de votre goût en matière de cinéma français… Quel est pour vous le plus grand film français de tous les temps ?
Ron : Pour moi, il y en aurait quelques-uns : La Règle du jeu de Renoir, L’Atalante de Jean Vigo, et n’importe quoi de Jacques Tati. C’est plus que ce qui est demandé, mais je ne peux pas descendre en dessous.
Russell : Le mien serait À Bout de souffle. Je l’ai revu encore récemment et le film résiste incroyablement au passage du temps. Quand nous étions étudiants à UCLA, nous regardions des films de Truffaut et de Godard, et à l’époque pour nous, ils incarnaient simplement ce qu’il y avait de plus cool à voir.
Ron : À l’époque, pour moi, aimer ces films et aimer le rock allaient ensemble, c’était dans un même mouvement. Aimer le cinéma français et la musique britannique : c’était comme ça qu’il fallait vivre, qu’il fallait user de son goût. Et c’était un bonheur.
Russell : J’avais même réalisé un film étudiant qui était une sorte d’hommage-parodie au cinéma français. Ça s’appelait Très sérieux. Les acteurs portaient des faux noms français. Le film n’est pas visible en ligne, mais on peut en voir une dizaine de secondes dans le documentaire que nous a consacré l’an dernier Edgar Wright. Ironiquement, le premier film qu’il ait lui-même signé était aussi un hommage parodique à la France, je crois que ça s’appelait À Bout de Lemon Soufflé…
Quel est le premier film français que vous ayez vu ?
Ron : Je pense que c’était Les 400 Coups ou Jules et Jim, mais sûrement un Truffaut.
Russell : J’ai l’impression que c’est un film avec Catherine Deneuve, j’ai un lointain souvenir d’une belle femme mystérieuse. Peau d’âne peut-être…
Et le dernier ?
Ron : Il n’est pas très récent, c’est La Femme du boulanger de Marcel Pagnol, que j’ai découvert grâce à un service de streaming…
Russell : Je pense que c’est Bergman Island de Mia Hansen-Løve, qui était également à Cannes. Il a d’ailleurs été produit par la même société qu’Annette, CG Productions.
Quel acteur français ou quelle actrice française auriez-vous rêvé d’être ?
Ron : Si je pouvais être Belmondo, je serais irrésistible. Je voudrais avoir sa coolitude. J’aurais pu vous dire Jacques Tati, mais j’avoue que c’est un peu moins ça, en termes de sex appeal…
Russell : Si Ron prend Belmondo, je m’autoriserai à prendre Alain Delon !
{"type":"Banniere-Basse"}