Dans un hôpital réceptacle des déglingues contemporaines, Jackie l’infirmière sniffe à tours de paille. Une “dramedy” indispensable.
Il y a quelque chose de réjouissant, et d’insensé, à relater presque chaque semaine l’insolente bonne santé des comédies douces-amères de 26 minutes venues du câble américain (Hung, Bored to Death ou How to Make it in America ont récemment remporté nos suffrages).
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Ce microclimat créatif qui règne depuis 2009 est pourtant bien réel, quoique dans le cas de Nurse Jackie, une restriction langagière s’impose : de bonne santé, ici, il n’est que rarement question. Car la déglingue règne aux urgences de l’hôpital new-yorkais All Saints où ladite Jackie, une infirmière quadra, accro aux médicaments, mène sa barque comme elle peut.
A travers cette femme fatale avant tout pour elle-même, l’intéressante Showtime, concurrente du mastodonte HBO, confirme son goût pour les héroïnes compliquées, irritantes et exaltantes – elle avait ouvert les vannes avec United States of Tara, portrait d’une mère de famille à la personnalité multiple. Ici aussi, l’intéressée n’est pas une mummy idéale. En plus de sniffer toute la journée, Jackie est sacrément impulsive, que ce soit sexuellement, quand elle trompe son mari avec le responsable du stock de médicaments, où dans son comportement avec les patients, qui n’ont pas intérêt à dire un mot plus haut que l’autre sous peine de souffrir encore plus.
Facilement énervée, Jackie passe ses nerfs et sa frustration sur les autres. Et quand elle n’a plus personne sous la main, elle s’en prend à elle-même, comme dans le magnifique épisode dix, sommet d’une première saison de très bonne tenue.
On entend d’avance les récriminations : faire d’une infirmière le pilier d’une fiction n’est qu’une manière détournée de surfer sur le genre usé jusqu’à la corde de la série médicale. Ce n’est pas entièrement faux : quoi qu’elle fasse, Jackie sauve des vies et se révèle une vraie pro. Mais la manière dont les barrières demeurent poreuses entre les tourments personnels de l’héroïne et son travail sont intéressantes. Au fil des épisodes, la mise en danger simultanée d’un équilibre intime (le sien) et collectif (l’hôpital comme symbole du contrat social) se fait toujours plus prégnante. A travers une multitude de pas de côtés, Nurse Jackie donne alors une épaisseur humaine inattendue à son sujet.
Dans la foulée d’Urgences et House, mais sur un mode presque artisanal, la série fait de l’hôpital un lieu aussi inquiétant que confortable, une sorte de plaque tournante toujours en mouvement des névroses contemporaines.
Pour faire vivre ce fil ténu, où Dieu et Diable se nichent dans les détails, il fallait une actrice à la hauteur du défi. C’est peu de dire qu’Edie Falco (ex-matonne dans Oz, ex-Carmela dans Les Soprano), remplit son office avec grandeur. Chez elle, chaque geste semble à la fois gracieux et affublé d’un poids inaltérable. Miraculeux mélange, qui s’épanouit pleinement dans la durée et finit par rendre Nurse Jackie indispensable.
Nurse Jackie Série, jeudi 1er avril, 22 h 10, Canal +
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