Solution pratique ou caprice de luxe ? Le jet privé à destination de la Martinique affrété pour Alain Joyandet a coûté 116500 euros et un paquet de quolibets. De Borloo à Duflot, le ministre de la Coopération n’est pas le premier à qui l’on reproche son goût pour le coucou.
Alors que jusqu’ici sa tête ne disait rien à personne, Alain Joyandet s’est transformé en Monsieur Cent-seize-mille-cinq-cents-euros aussi sûrement qu’Hervé Gaymard est devenu Monsieur Six-cent-mètres-carrés. Son malheur et désormais fardeau : avoir fait affréter un jet privé pour un aller-retour plus rapide en Martinique.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
En temps normal, le ministre aurait dû emprunter soit un avion de ligne, soit un Falcon gouvernemental, mis à disposition par l’Etec (Escadron de transport, d’entraînement et de calibration). « J’avais des contraintes de calendrier telles que je n’ai pas pu exceptionnellement faire le déplacement avec des avions de ligne », a expliqué le ministre.
Le ministre de la Coopération et de la Francophonie s’est ainsi rendu à la Conférence internationale des villes et régions du monde pour Haïti, qui se déroulait en Martinique le 23 mars. Et a pu être à l’heure au Conseil des ministres du lendemain (crucial, puisque post-remaniement) grâce à la compagnie portugaise Masterjet et son Falcon 7X de location.
Une nouvelle affaire de tarmac
Alain Joyandet reste tout de même un petit planeur comparé à Christian Estrosi. En janvier 2008, le ministre de l’Outre-mer avait volé de Washington à Paris en Falcon 900 privé (de chez Dassault) pour la modique somme de 138000 euros. Alors qu’aux Etats-Unis il assistait à une conférence sur les récifs coraliens, il avait annulé son billet retour sur une ligne régulière pour foncer à un pot.
Oui, un pot, mais à l’Elysée, pour célébrer les « sarkozystes de la première heure ». Vite, affrétez moi un jet, j’en suis. Après coup (coup), le ministre avait regretté et amorcé un atterrissage forcé: « Si on m’avait soumis ce devis, je ne l’aurais pas accepté. »
Le député René Dosière (dit « le comptable de la République ») peste contre cette « dérive chez les ministres ». « Ils ont de plus en plus recours à l’utilisation de jets privés – pourtant plus coûteux », alors qu’ils peuvent disposer des avions gouvernementaux de l’Etec.
Ecolocouic
Outre ces petites dépenses inutiles, on constate que les responsables politiques entretiennent un rapport complexe et passionnel à l’avion. D’un côté, ça gagne du temps. Par contre ça pollue ce qui n’est pas du tout Grenelle. Un paradoxe qu’il n’est pas ailé de résoudre.
Jean-Louis Borloo, ministre de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables, donnait le mauvais exemple en faisant ses trajets Bruxelles-Paris en avion de la DGAC. Epinglé par la Cour des comptes, il se contente désormais des appareils de l’Etec. En train, il mettrait une heure vingt.
Cécile Duflot, ambassadrice de la verdure, fut fort injustement moquée pour ses vacances aux Maldives, qui vont bientôt disparaître à cause du réchauffement climatique. Alors d’une, mieux vaut y aller avant que ça coule. Et de deux, comme l’a fait remarquer Cécile Duflot, « on ne peut pas y aller en pédalo ». L’ennui, c’est que la cheftaine d’Europe écologie s’est ensuite vantée d’aller à Copenhague en train tout en faisant le retour en avion pour être à l’heure à la télé.
Nicolas Hublot
L’intérêt pour l’aviation est une passion ancienne du pouvoir. Comme le rappelle Le Parisien, « l’achat de deux Airbus A-319 CJ fut l’une des premières décisions conjointes de l’Elysée et Matignon sous la cohabitation de 1997-2002. Les A-319 CJ furent même surnommés les « Chirac-Jospin » » !
Mais le vrai pilote de ligne, c’est Nicolas Sarkozy. Dès son envol élyséen, le président a d’ailleurs renouvelé la flotte présidentielle. Il adooooooore les avions. Au point de partir en vacances avec le jet de son ami, Vincent Bolloré.
Lorsque Nicolas Sarkozy a réduit la voilure et utilisé des avions de ligne, la Cour des comptes a modérément apprécié l’intérêt de la chose : « Cette banalisation est coûteuse, plus coûteuse que voyager à bord d’un avion officiel de l’Etec, car le Président doit être accompagné de six ou sept collaborateurs à bord de l’avion de ligne (groupe de protection, aide de camp, transmetteur…) et un avion de l’Etec le suit quand même pour pouvoir le transporter à tout moment en cas de crise ».
{"type":"Banniere-Basse"}