Dans cette Maison d’Ibsen, le metteur en scène australien Simon Stone réactive des interrogations existentielles initiées par le dramaturge norvégien. Un portrait générationnel de nos désarrois.
Si la pièce Ibsen Huis (La Maison d’Ibsen), de l’auteur et metteur en scène australien Simon Stone, se réclame de l’œuvre du dramaturge norvégien Henrik Ibsen (1828-1906), c’est pourtant une simple maison de vacances qui en est la principale vedette. Un fantasme à la portée des classes moyennes réunissant tous les tics esthétiques d’une maison d’architecte.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
La construction est animée d’un mouvement giratoire par les moteurs d’une tournette. C’est elle qui impulse le tempo du jeu au cours du spectacle et nous donne le sentiment d’entraîner ses habitants dans une valse de tous les excès en tenant jalousement la liste des prétendants dignes de figurer dans son carnet de bal.
Une histoire racontée comme on jette des dés
De cette maison, témoin privilégiée de la vie de la tribu et confidente des amours et des crises, Simon Stone fait la métaphore vivante de cette histoire qu’il raconte comme on jette les dés, au hasard des époques, en se moquant de la chronologie… Jusqu’à nous faire la surprise de retrouver la bâtisse en chantier après l’entracte.
Des mystères de sa fondation au drame de son abandon et aux espoirs de sa renaissance, les moments cruciaux de ces mues témoignent en marqueurs sensibles d’une saga d’émotions portées par onze comédiens du Toneelgroep Amsterdam. Ces personnages – Thomas, Daniel, Fleur, Jacob, Johanna… – sont les pères, les mères, les fils et les filles, les cousins ou les ancêtres vigilants, les amants et les maîtresses d’un soir… Et l’histoire de cette smala remet sur le métier Les Revenants, Un ennemi du peuple, Maison de poupée, Solness le constructeur, Le Canard sauvage, Le Petit Eyolf d’Ibsen.
A chaque époque ses combats
Mais Simon Stone se revendique de l’écriture de plateau. Pas là pour fabriquer une œuvre à caractère monographique, il n’a de cesse d’effacer les liens qui relient ses personnages aux pièces mythiques du Norvégien pour privilégier le rapport à des situations nées du travail d’improvisation.
Briser les carcans moraux du XIXe siècle d’Henrik Ibsen justifiait l’engagement visionnaire du dramaturge et son appel à livrer des batailles qui, pour la plupart, ont été menées et remportées depuis. Chaque époque a ses combats.
Les multiples facettes de nos désarrois contemporains
Simon Stone ne se dresse pas comme Ibsen en conscience éclairante de la fabrique d’un avenir plus juste. A l’image de cette famille aux mille vies qu’il cadre dans le huis clos de leur villégiature, sa croisée des chemins est un portrait des multiples facettes de nos désarrois contemporains.
Reste la fabuleuse pulsion de vie qui anime chacun des personnages, la promesse, à l’évidence, que cette escouade désorientée qui a fait du combat individuel sa feuille de route se bat toujours au nom d’Ibsen pour faire avancer la société.
Ibsen Huis (La Maison d’Ibsen) d’après l’œuvre d’Henrik Ibsen, mise en scène Simon Stone (en néerlandais surtitré en français), du 15 au 20 juillet à 21 h (relâche le 17), Festival d’Avignon, cour du lycée Saint-Joseph
{"type":"Banniere-Basse"}