Les deux artistes se surpassent sur “The Fantasy Life of Poetry & Crime”, recueil de pop-songs mélancoliques et majestueuses élaboré en autarcie dans un manoir normand.
Peter Doherty et Frédéric Lo, soit le plus francophile des rockeurs anglais allié au plus anglophile des compositeurs français. Cette paire d’as a plus d’une référence en commun, mais c’est à la pop orchestrale que les deux musiciens ont choisi de rendre hommage, dans la lignée du monumental Vauxhall and I (1994) de Morrissey, une référence assumée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Ce n’est pas la première fois que le coleader des Libertines, installé pour de bon à Etretat et marié depuis peu, s’évade du rock fougueux. Il a déjà prouvé qu’il savait faire le crooner et se draper d’orchestrations soignées sur son premier album solo, Grace/Wastelands (2009), ainsi que sur sa collaboration fugace avec Wolfman sur For Lovers (2004), immense single d’une beauté intemporelle. Quant à Frédéric Lo, multi-instrumentiste, arrangeur et producteur de génie, il a déjà réalisé des écrins mélodiques pour Daniel Darc, Alain Chamfort ou Bill Pritchard, entre autres.
“Trouver le mot juste est l’une de mes quêtes permanentes”
Durant l’été 2020, le tandem a passé plusieurs semaines à écrire à quatre mains dans un manoir près d’Etretat, Cateuil, qui figure sur la pochette de l’album. Un refuge loin de tout, en pleine nature, où ils ont pu laisser libre cours à leur imagination.
“Cet album comporte nettement moins de guitares déglinguées que dans la musique que nous faisons d’habitude, remarque l’Anglais. Peut-être parce qu’il reflète l’ambiance mélancolique de cet endroit, de toute cette période…” Frédéric Lo rebondit : “Je crois que nous sommes un peu hors du temps tous les deux.”
Comme son titre le sous-entend en partie, ce recueil fantasme un âge d’or de la pop et de la poésie. Frédéric Lo a composé la musique et l’a jouée presque en intégralité, tandis que les paroles et le chant sont signés Peter Doherty.
Le spleen idéal
“Trouver le mot juste est l’une de mes quêtes permanentes, avoue ce dernier. C’est une activité un peu traître parce que ça m’arrive de relire les livrets de mes albums précédents et de me dire que j’aurais plutôt dû mettre tel autre mot. Ce n’est pas une science exacte, ni un jeu pour moi. C’est une façon d’exprimer mon âme, avec un peu d’intellect et de cœur dans l’équation.”
Il explique plus tard qu’il a été contraint de délaisser temporairement sa guitare à cause d’une douleur chronique au doigt, mais il ne peut s’empêcher, au beau milieu de l’interview, d’empoigner l’instrument qui ne le quitte jamais pour nous interpréter en acoustique un tout nouveau morceau qu’il vient de finir dans la nuit.
Ce souffle créateur est palpable tout au long de l’album, délicatement ourlé de cordes fiévreuses (The Epidemiologist, single évident), de quelques cuivres discrets, d’un piano de cabaret (Far from the Madding Crowd, en conclusion). On se laisse emporter par les deux orfèvres et leurs trésors de nostalgie et de tendresse (notamment The Glassblower, Yes I Wear a Mask, Rock and Roll Alchemy). Un spleen idéal.
The Fantasy Life of Poetry & Crime (Water Music/Virgin Records). Sortie le 18 mars. En concert le 5 mai à Paris (Trianon).
{"type":"Banniere-Basse"}