Avec une voix pareille, ce songwriter parisien ne devrait plus rester longtemps dans l’anonymat.
Au printemps dernier, à l’heure où fleurissaient french pop et flows auto-tunés, on découvrait un peu par hasard un court EP revisitant le blues-rock avec élégance et de manière intemporelle. Sur sa pochette, on devinait et fantasmait un boxeur viril et un peu K.O., affaissé dans son coin probablement après un houleux duel avec la critique musicale. Une image assez caustique de se protéger de l’oreille ennemie pour Paul Picard, l’auteur compositeur interprète qui se cache derrière le curieux pseudonyme One-Eared Boy. Et pour cause, ce projet est le tout premier que le Parisien affronte en solo.
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Si jusque-là, ce professeur de guitare se contentait ainsi de prêter main forte aux groupes des copains – sans vraiment oser sortir de sa chambre ses propres compositions – la trentaine arrivant, Paul s’est enfin décidé à se lancer dans sa propre aventure.
« J’ai toujours écrit des chansons dans ma chambre, sans vraiment les assumer. Ni la voix, ni les chansons. J’en avais des wagons entiers. Et puis ce qui m’a décidé, c’est sans doute la confiance en moi qui est plus présente en vieillissant. Je me suis dit : si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais ! »
Et que Paul se rassure, si les piliers du rock ont une fâcheuse tendance à tirer le rideau dès 27 ans, nombreux sont ceux qui ont percé bien après, comme James Murphy, Eels ou encore Serge Gainsbourg.
« Quand j’avais 20 ans, j’ai découvert le blues »
Si le pseudo One-Eared Boy souligne une certaine nostalgie de l’écoute en version « monophonique » (remplacée par la « stéréo » dans les années 60), ce sont bien dans les années 20 que Paul puise son énergie vitale, grâce au blues notamment :
« Quand j’avais 20 ans, j’ai découvert le blues via Charley Patton je crois bien, une réédition, probablement chroniquée dans les inrocks (rires). »
Ce blues primitif, on le retrouve d’ailleurs réarrangé dans une reprise poignante du blues man Blind Willie Johnson (Motherless Children), et figurant sur son premier EP :
Une voix singulière et à fleur de peau
Complexé par sa voix à vif, Paul va finalement trouver le courage de chanter et de s’assumer grâce à un documentaire de Scorsese sur Bob Dylan (No Direction Home) faisant mention d’un « looser magnifique » dénommé Dave Van Ronk. Ce folkeux des années 60 – adulé par Bob Dylan quand bien même il a toujours fait les mauvais choix dans sa carrière – est pour lui une révélation :
« Quand j’ai vu le documentaire, j’ai trouvé qu’il avait une gueule de fou. J’ai été écouté ce qu’il faisait et à la première note, la puissance de sa voix – le mec est tout seul avec sa guitare – ça m’a énormément touché ! C’est lui qui m’a carrément donné envie de chanter et complètement débridé par rapport à cela. »
La collection de disques et de références musicales de Paul sont bien plus contemporaines, rassurez-vous. On compte notamment les sorties du fameux label Normandeep Blues (William Z Villain) mais aussi des artistes avec qui il partage ses terres natales (la Normandie) comme les Concrete Knives. « On répétait dans le même local », raconte-t-il. Ou encore le blues-rock primitif de l’outsider Willis Earl Beal, le plus excentrique Benjamin Booker et le trublion de l’anti-folk Adam Green. Un savant mélange de tout ça, donnant naissance au premier EP éponyme de One-Eared Boy.
Un premier EP enregistré à la maison
En bon autodidacte, Paul a enregistré son premier EP chez lui, avec les moyens du bord, et surtout grâce à son ami Fabio Garcia (précédemment vu dans Vegastar puis Tropic Revolver, en duo avec Marine Neuilly des Plasticines) :
« Fabio a fait les arrangements et le mixage de mon projet. Il fait tout ce que je ne sais pas faire (rires). »
Ensemble, ils préparent déjà un second EP plus « consistant » qui devrait sortir courant novembre. Et après quelques concerts en solo, Paul prévoit une formule plus orchestrée pour jouer en groupe dans la capitale. A bon entendeur…
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