Dans un livre de photographies prises dans le jeu vidéo “Death Stranding”, Pascal Greco développe une subtile ambiguïté entre virtuel et réel.
À l’époque où l’idée même d’une pandémie mondiale n’est encore qu’un mauvais présage, le photographe suisse Pascal Greco organise son troisième voyage en Islande dans l’optique de poursuivre son étude photographique de l’architecture de l’île (No Cliché, 2013).
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Le confinement suisse lui imposera de rester cloîtré chez lui. Lassé par l’ennui, il se rend chez MediaMarkt afin de s’offrir une PlayStation 4 et le jeu Death Stranding (produit, écrit et réalisé par Hideo Kojima), alors très en vogue. Le but, faisant étrangement écho au présent : mener à bien la quête d’un avatar pseudo-livreur dans des États-Unis post-apocalyptiques. Lorsque Greco démarre le jeu, ce n’est pas le continent américain qu’il reconnaît, mais bien celui de l’île islandaise qu’il a tant contemplé. Hypnotisé par la beauté et le réalisme des paysages, l’artiste se surprend à passer parfois huit heures d’affilée sur le jeu.
Sérendipité photographique
Un jour son doigt ripe sur la manette et Pascal Greco découvre que le jeu possède un mode photo en polaroid – format qu’il exploite régulièrement. Une idée naît alors : puisqu’il est impossible de se rendre en Islande, il l’infiltrera différemment, pour la photographier autrement. Involontairement, il vient de déporter son travail sur le terrain de l’in-game photography, soit le fait de prendre des photos au sein d’un jeu. Plusieurs centaines de clichés plus tard, le photo-gamer en sélectionne une cinquantaine qui composeront son livre Place(s). Difficile de croire qu’il ne s’agit que d’un ensemble codé lorsque l’on découvre ces images qui semblent si réelles, voire picturales. Le résultat est bluffant, époustouflant.
Art ou plagiat ?
Selon Pascal Greco, l’in-game photography serait avant tout relative à l’expérimentation. La photographie de jeu vidéo s’avère tout aussi technique que la photographie courante : les mobilités sont réduites mais il faut sans cesse se déplacer car il est impossible de zoomer ; l’angle, le cadre et la lumière sont à définir et à régler. D’après le curateur et chercheur Marco de Mutiis, qui apparaît dans l’épilogue du livre de Greco, l’in-game photography relève de la post-photographie et par conséquent de l’art.
La question de la propriété intellectuelle se pose davantage, puisque les entreprises de jeux vidéo possèdent tous les droits d’auteur sur leurs œuvres et productions. Néanmoins, il s’avère que l’in-game photography – de plus en plus courante ces dernières années – offre aux sociétés de jeux vidéo une visibilité et une reconnaissance supplémentaires.
Place(s), Pascal Greco, Chambre Noire, 26 € (10 € reversés à l’association Choose Love / limité à 300 copies).
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