Une sélection de spectacles à ne pas manquer ce mois-ci.
Une mort dans la famille, mise en scène Alexander Zeldin
Artiste associé à l’Odéon, théâtre de l’Europe, le Britannique Alexander Zeldin crée Une Mort dans la famille (du 2 au 20 février), son premier spectacle réalisé avec des comédien·nes français·es. Écrite notamment pour Marie-Christine Barrault, Annie Mercier ou Nicole Dogué, la pièce se déroule dans un Ehpad et mêle comédien·nes professionnel·les et amateur·trices. S’il souhaitait depuis longtemps faire un spectacle avec des personnes âgées, Alexander Zeldin confie que “le confinement a servi de période d’incubation. (…) Le but étant, comme souvent au théâtre, de prendre une situation particulière (une famille, des personnages dans une salle commune en Ehpad) pour raconter une chose plus vaste : qu’est-ce que mourir aujourd’hui ? Qu’est-ce que la mort peut nous apprendre sur la vie ? Et qu’est-ce que le théâtre peut révéler de notre rapport aux autres et à l’au-delà ? Car, finalement, le théâtre est là pour faire vivre les morts.“ Et raffermir le lien entre les vivants.
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Dans la mesure de l’impossible, mise en scène Tiago Rodrigues
Outre sa beauté subversive, le titre de la nouvelle création de Tiago Rodrigues présentée à la Comédie de Genève du 1er au 13 février, porte en creux la mesure de la difficulté à laquelle se confrontent jour après jour ceux que l’on appelle les “humanitaires“. En gros, celles et ceux pour qui l’humanité n’est pas digne de ce nom tant qu’ils et elles ne luttent pas contre l’inégalité des droits, des ressources, des conditions de vie toujours plus criantes. Dans la mesure de l’impossible est inspiré de témoignages que le metteur en scène et son équipe ont recueillis auprès d’humanitaires rencontré·es à Genève. Ce n’est pas du théâtre documentaire, insiste Tiago Rodrigues, mais du théâtre documenté : “Nous parlons, toujours à travers eux, ces raconteurs d’histoires, sans faire semblant que ce que nous avons entendu nous permet ne serait-ce que d’imaginer la réalité des expériences qu’ils ont traversées. (…) Les humanitaires ont accès à des moments et des lieux de l’histoire qui leur donnent un regard sur le monde qui nous manque. La proximité de la souffrance, du danger et de la violence, mais aussi de la dignité et de la résilience humaine, leur donne accès à une lecture du monde dont nous sommes incapables.“
Contre-enquêtes, d’après Kamel Daoud, mise en scène Nicolas Stemann
Revenant sur les questions posées par Kamel Daoud dans Meursault, contre-enquête, à commencer par le fait que l’Arabe assassiné par Meursault ne porte pas de nom, Nicolas Stemann ouvre le débat sur L’Étranger de Camus dans son spectacle Contre-enquêtes (du 2 au 12 février au théâtre de la Ville – Les Abbesses). La pièce réunit deux acteurs. Mounir Margoum endosse le rôle de Haroun, le frère de “l’Arabe“ assassiné qui réclame justice, jusqu’au moment où Thierry Raynaud affirme en avoir le droit au même titre que lui. Qui est légitime pour incarner ce frère ? L’un, Mounir Margoum, est d’origine marocaine, né à Clermont-Ferrand, l’autre est l’enfant d’une famille de pieds-noirs rapatriés ayant vécu durant quatre générations en Algérie… On se doute que la bien-pensance laisse vite la place à une recherche de la vérité qui s’affranchit des idées reçues pour questionner le colonialisme et les plaies de l’Histoire. Aussi cruelle que bouleversante, cette double mise en chair du personnage de fiction inventé par Kamel Daoud est passionnante.
Ceux-qui-vont-contre-le-vent, mise en scène Nathalie Béasse
Créé au dernier festival d’Avignon dans la cour des Carmes, le spectacle de Nathalie Béasse retrouve le théâtre de la Bastille dont elle est une artiste familière, du 3 au 18 février. Le spectacle résiste à toute narration, voire à toute parole. Ce qui importe, c’est le tissage des mots avec la gestuelle des corps, l’équilibre des silences avec la musique et la mise en jeu des accessoires avec l’organisation scénique, à la fois support et révélateur de toutes les envolées, chutes et danses qui agitent les interprètes. Tout commence par une dispute entre les comédien·nes, sept acteur·trices et danseur·euses qui accompagnent Nathalie Béasse de pièce en pièce et finissent par former une famille capable de s’aimer ou de s’engueuler dans toutes les langues. Une Babel d’affects et de paroles qui inaugure la succession des scènes, comme autant d’instantanés qui disent le manque, l’absence, l’abandon, la solitude et le désir en s’accordant à l’éphémère du théâtre pour fabriquer une poétique de la relation qui emprunte volontiers à la danse, à l’art de l’illusion et du bricolage scénique pour créer des images envoûtantes. Simples et belles.
Poings, de Pauline Peyrade, mise en scène Das Plateau et Céleste Germe
Décryptant l’engrenage des violences morales et physiques vécues par une femme, le collectif parisien lève le voile sur les coulisses de la vie d’un couple dans Poings (du 1er au 12 février au T2G de Gennevilliers). “Construite en cinq tableaux, la pièce juxtapose les lieux et les dispositifs formels, précisent les membres du collectif. Il y a quelque chose de cubiste dans cette construction qui semble tourner autour de son sujet pour en faire percevoir, partie après partie, transformation après transformation, l’ensemble de ses implications.” Le piège se referme insidieusement sur la jeune femme avec la pratique d’une vie en couple déclinant la palette de ses asservissements, de l’infantilisation permanente au viol conjugal. Céder n’est pas consentir. Quand l’insupportable étouffoir du mâle s’impose en normalité du quotidien, l’échappatoire ne peut se réduire au repli dans un monde intérieur. Ce temps arrêté de l’introspection est celui d’une dévoration où la femme hésite entre laisser faire et réagir, une croisée des chemins où elle doit puiser au plus profond d’elle-même pour oser s’exfiltrer dans un ultime sursaut de conscience d’une existence devenue tunnel d’humiliations.
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