À la Cité de la BD d’Angoulême, une riche exposition retrace comment, de concert, BD et animation ont bouleversé la culture populaire.
Que l’on parle des longs métrages Pixar, du studio Ghibli d’Hayao Miyazaki et d’Isao Takahata ou de productions indépendantes européennes, nos yeux de spectateur·trices ont intégré depuis longtemps que les films d’animation constituent un genre culturel légitime, passionnant et remuant.
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L’exposition De Popeye à Persepolis, qui s’ouvre au musée de la Cité de la BD d’Angoulême, nous rappelle qu’avant d’en arriver là, pionnier·ères et artisan·es bricoleur·euses ont bataillé pour imposer leurs visions colorées. Si la fin du parcours revient sur la vitalité de l’animation moderne et son association sans cesse renouvelée avec le milieu de la bande dessinée (Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud ou Peur(s) du Noir coréalisé par Charles Burns, Blutch ou encore Marie Caillou), la première partie de l’expo, la plus patrimoniale, se révèle la plus saisissante. Dès le sas d’entrée, on a droit à un aperçu des “pantomimes lumineuses” d’Emile Reynaud (1844-1918) montrées au musée Grévin dès 1892.
Un peu d’histoire
Quelques pas nous projettent dans un fascinant cabinet de curiosités qui reconstitue comment, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, les premières tentatives de dessins animés ont surgi. Devant ce spectacle rétro-futuriste rythmé par des musiques de fêtes foraines, un émerveillement, réminiscence de l’enfance, nous saisit. Au milieu de lanternes magiques et de planches originales de Winsor McCay (Little Nemo) ou de George Herriman (Krazy Kat), sont projetées sur un drap les adaptations d’une histoire du Suisse Rodolphe Töpffer, considéré comme l’inventeur de la BD, ou des Pieds Nickelés de Louis Forton. Le rôle crucial du Français Émile Cohl (1857-1938) est rappelé, lui qui, de dessinateur, bascule réalisateur à la cinquantaine. “En 1907, il voit une affiche de la Gaumont qui lui ’emprunte‘ un gag, explique Pascal Vimenet, un des commissaires de l’expo. Adepte du duel, très querelleur, Cohl se précipite chez Léon Gaumont. Et celui-ci lui présente Louis Feuillade, alors débutant”. Dans la foulée, Cohl se procure un des cinématographes des frères Lumière et le transforme en banc-titre, un appareil lui permettant d’animer ses dessins. Ses premiers succès l’envoient en Amérique et où il donne l’envie à Winsor McCay de porter lui-même à l’écran ses BD…
“Ensuite, les moyens de diffusion sont de plus en plus performants, raconte Anne Hélène Hoog, directrice du musée et également commissaire. On assiste à l’industrialisation de l’image et celle-ci bouleverse la culture populaire.” Dans les années 1920-1930, Popeye et Betty Boop deviennent des stars grâce au studio des frères Fleischer et une publicité de 1936 encourage les marques à s’appuyer sur des personnages de cartoon pour vendre leurs produits.
Après un détour par une mini salle de cinéma où est projeté le Superman des Fleischer, l’exposition n’oublie pas l’apport de la contre-culture, avec Les Shadoks de Jacques Rouxel ou la collaboration entre René Laloux et Roland Topor, ni l’animation japonaise. Cependant, près de la sortie, des installations récentes de Ruppert & Mulot et Philippe Dupuy montrent les dessinateurs français imiter leurs homologues d’il y a un siècle avec d’ingénieux bricolages. Joli clin d’œil.
Exposition De Popeye à Persepolis, jusqu’au 6 novembre 2022 au musée de la Cité de la BD, quai de la Charente. Ouverte du mardi au vendredi de 10h à 18h, le samedi de 10h à 18h et le dimanche et les jours fériés de 14h à 18h.
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