Spécimen de l’exposition conçue comme un biopic : la période arty et conceptuelle de la cinéaste Kathryn Bigelow, fraîchement oscarisée, vue sous la forme d’un hommage de fan.
Spécimen de l’exposition conçue comme un biopic : la période arty et conceptuelle de la cinéaste Kathryn Bigelow, fraîchement oscarisée, vue sous la forme d’un hommage de fan.
La cinéaste Kathryn Bigelow n’a pas à proprement parler laissé une œuvre plastique mais, comme l’indique le sous-titre de l’exposition Breaking Point à la galerie Castillo/Corrales à Paris, elle a bien eu une vie dans l’art avant de passer au cinéma.
On retrouve ici sa trace et sa présence dans des vidéos documentant une performance parlée du collectif Art & Language, associé au groupe expérimental Red Krayola, et dans une discussion déstructurée mise en scène par Lawrence Weiner, son professeur à l’époque.
Et puis, au mur, grand écart, des photos tirées de ses films hollywoodiens, l’affiche de The Loveless, son premier long métrage avec Willem Dafoe, un oscar en plastique, un script de Point Break dédicacé, les pages déco d’un magazine parti en reportage dans la maison californienne de la réalisatrice, des images et des fétiches donnant soudain à l’expo le ton d’un hommage, comme celui qu’un fan rend à son idole.
Ne manque plus au sommaire que la photo de mariage avec James Cameron, voire l’acte de leur divorce. Mais au-delà de cette petite révélation sur la trajectoire artistique méconnue de Kathryn Bigelow, l’intérêt de l’ensemble tient surtout à la forme de l’exposition, qui s’amuse à remonter le cours d’une carrière en glissant de la rétrospective à la biographie lacunaire. Un genre sinon inédit, du moins rarement usité en art contemporain : l’expo-biopic.
Qui équivaudrait à suivre les pas d’un créateur en mêlant indifféremment œuvres et documents, autant dire des pièces aux statuts disparates pour pointer le fait que les choix personnels échappent parfois aux catégories esthétiques et à l’histoire de l’art, ou plutôt les informent et les contrarient.
Faire une expo Kathryn Bigelow, c’est répondre à la question de ce qu’est devenu l’art conceptuel. De même que quand l’artiste anglais Scott King entreprenait, en 2009 au palais de Tokyo, de dessiner l’arbre généalogique de Shaun Ryder, le chanteur des Happy Mondays, on répondait à la question de savoir d’où provenait l’acid-house – en l’occurrence des milieux ouvriers.
Art conceptuel : avatar, atelier ou démineur du nouvel Hollywood ? On y pense.
Breaking Point – Kathryn Bigelow’s Life in Art Jusqu’au 13 mars à la galerie Castillo/Corrales, 65, rue Rébeval, Paris XIXe, tél. 01.78.03.24.51, www.castillocorrales.fr