Benoît Hamon lançait cet après-midi sur la pelouse de Reuilly son « Mouvement du 1er juillet », avec pour ambition de recréer une « gauche nouvelle », à la fois citoyenne, sociale, écologiste et européenne. L’occasion pour l’ancien candidat socialiste à l’Elysée de reprendre des forces après son double échec à l’élection présidentielle et aux législatives et d’annoncer son départ du Parti socialiste.
Il y avait un semblant d’ambiance « Fête de l’Huma » cet après-midi sur la pelouse de Reuilly, pour le lancement du Mouvement du 1er juillet. Entre deux merguez et en doudoune (météo capricieuse oblige, la faute à Jupiter ?), les sympathisants présents déambulaient le long des différents ateliers participatifs dans une atmosphère bon enfant. Tous étaient invités à réfléchir ensemble à la création de nouveaux outils en matière d’éducation populaire, de contre-pouvoirs citoyens, de justice sociale et de solidarité…
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Merci à @NaimaCharai et @rglucks1 d'avoir ouvert la journée du #M1717 pic.twitter.com/cIv3LUWTyt
— Benoît Hamon (@benoithamon) July 1, 2017
Sur la grande scène, devant un public relativement jeune et métissé, différentes personnalités ont défilé pour chauffer la salle ouverte avant le discours de Benoît Hamon : intellectuels, syndicalistes, universitaires, dirigeants d’ONG et politiques (notamment les écologistes Cécile Duflot et Yannick Jadot). L’intellectuel Raphaël Glucksmann s’est vu chaleureusement applaudir lorsqu’il a lancé à la foule : « On n’a pas le droit d’être résignés, d’écouter ceux qui disent que nous n’avons pas d’espace. Je ne veux pas choisir entre un monarque et un prophète ! », visant implicitement le président de la République et Jean-Luc Mélenchon. Convaincu que « le Parti socialiste doit mourir » mais que « la gauche, elle, va vivre », Glucksmann estime que l’enjeu fondamental pour celle-ci consiste dans sa capacité à se réinventer dans ses formes de mobilisation. « Faisons en sorte que cet enterrement des grandes structures de la gauche soit une grande fête ! », exhorte-t-il, résolument optimiste.
Edwy Plenel alerte la gauche
Le journaliste et fondateur de Mediapart, Edwy Plenel, s’est quant à lui agacé des différentes fractures à gauche, l’invitant à « se redresser et à être digne ». « Nous n’avons pas le droit de pleurer sur nos divisions : ce serait le pire chemin », a-t-il prévenu, rappelant que « l’amour des petites différences » signait toujours l’échec de la gauche.
Et puis, Hamon est arrivé, saluant tout particulièrement la jeunesse présente dans la foule, « celle qui vibre avec Jeremy Corbin et avec Bernie Sanders », mais aussi « les militants, ceux qui ne le sont plus, ceux qui ne le sont pas encore, ceux qui le sont sans le savoir ». Bref, personne n’est oublié.
Hamon face à Jupiter
Face au monarque Jupiter, nous devons faire circuler le pouvoir, les idées, la connaissance et le pouvoir politique #M1717 1/2 pic.twitter.com/DhFFSjVusZ
— Benoît Hamon (@benoithamon) July 1, 2017
« Je suis venu parler un peu de Jupiter », raille-t-il sous les rires de l’assistance. Revendiquant une « vision totalement différente de la démocratie » de celle du président de la République, il prône l’adoption d’un pouvoir horizontal, faisant la part belle au « nous » face au « moi écrasant de la Ve République ». Critiquant « l’Olympe réservée aux dieux et interdite aux simples mortels » qu’incarne à ses yeux le pouvoir macronien, il promet que son nouveau mouvement s’opposera à cette conception démocratique de façon implacable. « Face à Jupiter, nous serons des légions de Prométhée, pour faire circuler le pouvoir, la connaissance et les idées », assure-t-il.
« Macron, c’est Sarkozy détendu »
La fin du clivage gauche droite ? Ce nouveau pouvoir par la radicalité de ses choix clarifie pourtant qui est de droite #M1717 pic.twitter.com/l6DIbYidNR
— Benoît Hamon (@benoithamon) July 1, 2017
Hamon refuse de voir en l’élection d’Emmanuel Macron la fin du clivage droite-gauche. Au contraire, celle-ci « clarifie considérablement qui est de droite et qui est de gauche », juge-t-il. Tout en déplorant « la transhumance d’ex-socialistes » vers la République en Marche, l’ancien élu de Trappes rend hommage au chef de l’Etat : « Macron peut être remercié, car il met fin à la confusion : nous, socialistes, sommes peut-être désormais plus légers, moins nombreux, mais plus cohérents et plus robustes ». Vivats de la foule.
Le candidat malheureux à l’élection présidentielle s’en prend ensuite vivement à la réforme du code du travail telle que souhaitée par l’exécutif, redoutant « une généralisation de la précarité, dont la jeunesse sera la première à payer le prix ». Hamon critique également durement l’intégration au droit commun de l’état d’urgence « en dépit des déclarations de campagne » d’Emmanuel Macron, tout comme le sort réservé aux réfugiés, notamment à Calais. « Jusqu’à quand allons-nous devoir supporter la disgrâce d’une République française qui foule au pied les valeurs qui l’ont fait naitre en maltraitant les migrants et les réfugiés présents sur son sol ? », s’indigne-t-il.
Avant de conclure son analyse sur l’action du nouveau président par cette ultime pique : « Macron, c’est Sarkozy détendu ou Hollande décomplexé, comme vous voudrez. Il est la plus parfaite incarnation du Guépard de Visconti : il faut que tout change pour que rien ne change ».
« Le PS a fait son temps »
Mais le chef de l’Etat n’est pas le seul à avoir été rhabillé pour l’hiver cet après-midi. Jean-Luc Mélenchon a également fait les frais de la verve hamoniste. Le candidat socialiste malheureux à l’élection présidentielle ironise sur le refus du leader de la France Insoumise de porter la cravate au Parlement : « Je n’ai pas le souvenir que les coups d’éclat de Jaurès à l’Assemblée aient été vestimentaires ». Plus sérieusement, Hamon dit s’opposer à la conception mélenchonienne du clivage « peuple/élites », et ne pas se reconnaître dans un « dégagisme qui n’est qu’une vision très appauvrie du socialisme ».
Quel est donc son propre projet ? Celui de « représenter dans le champ politique le camp des victimes de la mondialisation, du racisme, du sexisme », qui soit un lieu de « citoyenneté partagée ». Mais Hamon a une conviction : ce mouvement ne peut pas s’inscrire à l’intérieur du Parti socialiste, car « la question n’est pas la prochaine petite élection, le prochain petit congrès, la question est le grand projet pour la gauche du 21ème siècle ».
D’où son annonce solennelle, en fin de discours : « Aujourd’hui, j’ai décidé de quitter le PS. Je quitte un parti mais je n’abdique pas l’idéal socialiste, car j’ai acquis l’intime conviction que je serai plus utile en dehors de celui-ci ». Hamon n’a pas de temps à perdre : il appelle ses partisans à se mettre en branle pour créer des comités locaux décentralisés issus du Mouvement du 1er juillet et des états généraux de la gauche.
Je vais m’atteler, avec vous, maintenant à participer à la reconstruction de la Gauche à partir de ce mouvement que nous créons #M1717 1/2 pic.twitter.com/P4RDeij9c3
— Benoît Hamon (@benoithamon) July 1, 2017
Il tient enfin à rassurer ses sympathisants qui feront le choix de demeurer dans la « vieille maison » de Solférino : « Le PS a peut-être fait son temps. Aux militantes et aux militants qui restent au PS, je ne leur dis surtout pas ‘adieu’, mais ‘au revoir’, ‘à tout de suite même’ ».
Le Mouvement du 1er juillet constituera-t-il une énième écurie présidentielle dans la perspective de 2022 ? Hamon préfère dire les choses de façon plus poétique : « Je veux faire de ce mouvement ce que le printemps fait aux cerisiers ».
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