Des livres à dévorer au soleil ou à déguster à l’ombre pour accompagner un été littéraire en douceur et en passion.
Mélanie Benjamin
Les Cygnes de la cinquième Avenue
(Albin Michel)
Quand Truman Capote trahissait ses meilleures amies, femmes de la haute société new-yorkaise et gravures de mode, en balançant leurs secrets dans une nouvelle, “La Côte basque 1965”, publiée par Esquire en 1975. Qu’en ont-elles pensé ? Qu’est-ce qu’il s’est vraiment joué ? Elles le bannirent de leurs vies, mais on ne sait rien de ce qui réellement joué entre elles et l’écrivain. Seule la fiction pouvait combler nos lacunes et donner de la chair à l’un des épisodes les plus marquants, mais mystérieux, de la littérature contemporaine.
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Pro efficace de la reconstitution historique, Mélanie Benjamin nous plonge dans le tourbillon de la vie new-yorkaise des années 1950 à 1980. On suit Capote au moment où il écrit Breakfast at Tiffany’s, mais aussi De sang-froid, et jusqu’à sa lente autodestruction qui commencera après son célèbre Bal noir et blanc en 1966 ; on pénètre dans les coulisses de l’upper class et l’existence souvent ennuyeuse de ces femmes – CZ Guest, Slim Keith, Gloria Guinness, etc. – qui eurent la naïveté de se confier à Truman. Pourquoi a-t-il trahi sa meilleure amie, l’élégante Babe Paley, alors qu’elle souffre d’un cancer, en dévoilant que son mari la trompe ? Il paraît qu’elle fut la seule personne qu’il ait jamais aimée. Mais l’appel de l’art est-il plus fort que les sentiments ?
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Christel Gaillard-Paris. 432 pages
Denis Cosnard
Frede. Belle de nuit
(Les Equateurs).
Il y a déjà quelque chose de beau à consacrer un livre à un personnage de roman, mais quand il s’agit d’une vague silhouette traversant furtivement l’œuvre de Patrick Modiano, c’est carrément magnifique. D’autant que Frede, qui apparaît dans Remise de peine – l’écrivain l’aurait croisée quand il était enfant, chez une amie de sa mère – a réellement existé.
Passionné de Modiano, Denis Cosnard a enquêté et tiré de l’oubli cette figure de reine flamboyante de la nuit. Lesbienne assumée en costume d’homme, amante de Marlene Dietrich et de Maria Felix, éconduisant au passage Anaïs Nin, Frede a régné sur le monde noctambule des années trente à soixante-dix. A l’origine de plusieurs clubs lesbiens où se pressait le tout-Paris, elle a fini par assurer le succès du mythique Carroll’s où se croisaient stars hollywoodiennes, écrivains français, et libertins en tous genres.
C’est à une étourdissante plongée dans le monde des cabarets parisiens que nous convie Denis Cosnard, avant l’avènement des discothèques et le début du règne de Fabrice Emaer avec le Sept puis le Palace.
236 pages
Virginie Despentes
Vernon Subutex 3
(Grasset)
C’est le livre évènement de l’été. La suite et fin des aventures de ce disquaire paumé, Vernon Subutex, devenu SDF, puis gourou à son corps défendant, ses amis et d’autres se rassemblant autour de lui dans des squats. En fin de ce troisième volume, il virera même mystique, mais le dire n’est pas révéler les multiples rebondissements de ce roman surprenant, qui tendra même vers la science-fiction. La bande de Vernon organise des “convergences”, des soirées où leurs invités entrent en transe rien qu’en écoutant les sons organisés par Subutex.
Virginie Despentes croit dans les pouvoirs de la musique pour atteindre nos cerveaux, créer l’osmose entre les êtres, voir changer le monde. Doté d’une bande-son impeccable, VS 3 est bourré d’énergie, pour mieux véhiculer la vision sans concession de l’auteur sur l’époque.
400 pages
Jay McInerney
Les Jours enfuis
(L’Olivier)
Quand Jay McInerney réactive le couple phare de Trente ans et des poussières et de La Belle Vie, ça donne une comédie désenchantée sur les affres de la cinquantaine et le monde rompu à l’argent, qui a enseveli les illusions de la jeunesse. De scènes de dîners en soirées, de restaurants en salons, ses personnages, Corinne et Russell Calloway, semblent stagner dans le huis clos étouffant du New York de 2008, juste avant que le crash économique n’advienne et qu’Obama ne soit élu. McInerney capture avec un humour au vitriol une société rompue aux hedge funds, qui n’a plus rien à voir avec les eighties arty et cocaïnées qu’il décrivait dans Bright Lights, big city, son premier roman qui le rendit célèbre.
Ici, on nage dans les paradoxes, entre le fric-roi et les galas de charité ; les amis des Calloway ont fait fortune dans la banque, l’immobilier devient inaccessible, et l’édition (Russell est éditeur) va mal. Le couple croit encore en ses idéaux, mais mis à mal par l’époque, résistera-t-il ? C’est drôle, grinçant, glamour et mélancolique à la fois. Bref, du McInerney au meilleur de sa forme.
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par Marc Amfreville, 496 pages
James McBride
Mets le feu et tire-toi
(Gallmeister)
Romancier et jazzman, lauréat du National book award en 2013, James McBride consacre son livre à l’immense James Brown. Brown, né dans un milieu pauvre comme lui, et qui vivait dans la même ville que celle où l’auteur a grandi, qui incarne une “fureur noire” géniale. Son livre se meut en enquête sur les traces d’une énigme : qu’est-ce qui fait le génie musical ? On découvre un homme parano, capricieux, souvent odieux, animé par une peur profonde du Blanc, toujours hanté par les humiliations que durent subir ses ancêtres. Un roman qui pulse, une réussite sur un sujet aussi excitant que casse-gueule.
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) par François Happe. 336 pages
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