Il était connu pour ses shows spectaculaires et ses femmes-cyborgs.
C’est “de mort naturelle” que s’est éteint Thierry Mugler ce dimanche 23 janvier, a annoncé l’attaché de presse du grand couturier Jean-Baptiste Rougeot à l’AFP. Pourtant, celui qui se faisait désormais appeler Manfred Thierry Mugler avait encore des projets de collaborations qu’il s’apprêtait à annoncer – à l’image d’une vie hyperactive et protéiforme jusqu’à ses derniers instants.
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Né à Strasbourg en 1948, il se destine tout d’abord à la danse, et intègre dès ses 14 ans le ballet de l’Opéra du Rhin, avant de s’intéresser au stylisme et aux costumes de scène. Mais c’est la mode parisienne qui vient le rattraper quand il a vingt ans ; il lance une première griffe, Café de Paris, en 1972, puis sa maison de couture l’année suivante.
Définition d’une “femme Mugler”
Entre vieux glamour, science-fiction et contes de fées, il arme le corps féminin de parures létales allant à l’encontre de toute passivité et soumission : la “femme Mugler”, c’est d’abord celle perchée sur des talons-armes, avec des épaulettes XXL, des décolletés pigeonnants et une silhouette corsetée que l’on nommera power wear d’un nouveau genre. Ce regard d’empowerment ne manque pas de séduire les plus grandes icônes de chaque époque, dont Jerry Hall, Beyoncé, Lady Gaga et plus récemment encore Kim Kardashian.
Il pousse son imagination hors de tout sentier battu en introduisant des femmes-créatures, robotiques, galactiques, insectoïdes, des femmes-moto. Instinctivement, visuellement, il aborde ainsi la question du transhumanisme par la mode, et la notion du cyborg introduite par la théoricienne du genre Donna Haraway. Il repousse ainsi les parois dites naturelles du corps humain et en encourage une lecture hybride avec les mondes qui nous entourent.
Un couturier grand public
Ce sont ses défilés majestueux qui lui valent un succès public : certains de ses shows se tiennent au Zénith devant 6 000 personnes, d’autres dans d’immenses cirques. Empruntant au spectacle vivant, aux concerts de rock, au cabaret, il ne prête aucun intérêt à l’exclusivité secrète des traditionnels défilés parisiens, et préfère ouvrir les siens au plus grand nombre.
“Chez Mugler, la narrativité est centrale, il introduit une dimension de récit, de conte, et de performance. Cela n’avait jamais été fait dans cette ampleur auparavant et cela marque un véritable tournant dans l’industrie”, raconte Alice Litscher, professeure à l’Institut français de la mode, qui se souvient “de défilés où chacun·e pouvait tout simplement acheter un billet à son défilé, comme n’importe quel évènement culturel”.
En 1992, Mugler lance le parfum Angel, best-seller mondial qui s’approche du succès du Numéro 5 de Chanel. Alors que sa marque était aujourd’hui dirigée créativement par le styliste Casey Cadwallader, le Musée des arts décoratifs de Paris inaugurait en septembre 2021 une immense rétrospective Thierry Mugler, Couturissime, rappelant les multiples impacts du couturier sur la mode, l’époque, le genre et la culture.
“Parti trop tôt… Le Dieu de la mode, un homme doux, authentique, gentil. Tu vas vraiment beaucoup me manquer”, écrit sur Instagram la mannequin Irina Shayk, amie proche du styliste. Son message rejoint les milliers de condoléances écrites sur la Toile, preuve de la résonance de son œuvre jusqu’aux plus jeunes générations.
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