Dans sa nouvelle livraison, la revue “XXI” revient sur les « crimes” commis par la France en Afrique. En particulier, elle accuse l’ancien secrétaire général de l’Elysée Hubert Védrine d’avoir fait livrer des armes aux extrémistes hutus en fuite. Une accusation gravissime.
« Un passé qui ne passe pas », cette sentence fameuse semble taillée sur mesure pour qualifier la relation trouble qu’entretiennent la France et la Rwanda depuis le génocide des Tutsis en 1994. Cette fois c’est le journaliste Patrick de Saint-Exupéry, rédacteur en chef de la revue XXI qui remet les pieds dans le plat, dans son numéro de l’été avec un titre sans ambiguïté : “Nos crimes en Afrique : Sénégal, Biafra, Rwanda”.
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Le génocide rwandais obsède Patrick de Saint-Exupéry, grand reporter spécialiste de l’Afrique. Présent sur les lieux du crime pour Le Figaro durant les massacres, il pourfend depuis toujours la position officielle de la France, l’accusant d’avoir choisi le camp des génocidaires, sous des prétextes humanitaires, qui n’avaient pour but que de préserver les intérêts du “pré carré” de la France en Afrique, euphémisme pour qualifier la Françafrique.
Cette fois, Patrick de Saint-Exupéry n’hésite pas à mettre en cause directement Hubert Védrine, ex-ministre des Affaires étrangères de Lionel Jospin, secrétaire général de l’Elysée auprès de François Mitterrand au moment du génocide. Il l’accuse d’avoir signé un ordre qui autorisait le réarmement des Hutus génocidaires, alors que le pays était soumis à un embargo de l’ONU sur les armes. Des accusations gravissimes à l’encontre de ce “grand commis de l’Etat”, toujours présent dans les cercles du pouvoir, puisqu’il qui serait l’une des éminences grises d’Emmanuel Macron.
Un effroyable massacre
Rappelons les origines de la tragédie. Le 7 avril 1994, le président de la République du Rwanda Juvénal Habyarimana meurt dans un attentat. On ne sait toujours pas qui a lancé le missile qui a pulvérisé son avion – une autre énigme à controverse –, mais c’est le signal d’un effroyable massacre : des centaines de milliers de membres de la minorité des Tutsis sont assassinés en seulement trois mois par les Hutus, “une ‘productivité’, à l’échelle du pays, deux fois supérieure à celle de Treblinka, le plus élaboré des camps nazis”, rappelle Saint-Exupéry.
Mais, affirme le journaliste : “Aveugle au crime en train de s’accomplir, l’Elysée soutient en ce mois de juin 1994 les autorités ‘légales’ de Kigali qui, sous couvert d’une guerre contre une rébellion, ordonnent et dirigent depuis deux mois un génocide.”
La France se lance dans l’opération Turquoise, le 23 juin 1994, après un vote du Conseil de sécurité de l’ONU, qui souligne dans sa résolution 929 “le caractère strictement humanitaire de cette opération. [Elle devra] être de façon impartiale et neutre et ne constituera pas une force d’interposition entre les parties. »
Livraison d’armes
Cette prétendue neutralité sera remise en question par plusieurs témoignages. Alors que le génocide est achevé, les extrémistes hutus, vaincus par les rebelles tutsis du FPR, s’enfuient avec leurs familles vers le Zaïre (actuelle République démocratique du Congo) dans des circonstances cataclysmiques. C’est à ce moment que plusieurs témoins, dont un officier français de l’opération Turquoise, Guillaume Ancel, affirment assister à la livraison d’armes aux fuyards génocidaires par des camions de l’armée française. Et ce alors que l’ONU a interdit l’envoi d’armes aux belligérants.
Le dernier génocide du XXe siècle continue d’empoisonner les relations de la France avec le Rwanda. Saint-Exupéry affirme que notre pays fait tout pour occulter son rôle délétère dans le drame. François Hollande avait pourtant promis d’ouvrir les archives confidentielles afin de faire la lumière.
Deux hauts fonctionnaires sont chargés d’éplucher ces documents explosifs, mais, à cause de la gravité des faits exposés, les cartons sont discrètement refermés. Silence radio. Cependant, raconte Saint-Exupéry, un des deux fonctionnaires ne peut s’empêcher, un soir en privé, d’ouvrir la boîte de Pandore. Il explique qu’il y avait dans ces cartons “deux choses importantes”. La première est qu’“ordre avait été donné de réarmer les Hutus qui franchissaient la frontière”.
Deuxièmement face à cette consigne ahurissante de livrer des armes à des tueurs, de nombreux officiers voulaient faire valoir leur “droit de retrait”. Le fonctionnaire affirme alors avoir vu sur un de ces messages de réticences :
“Une note dans la marge disant qu’il fallait s’en tenir aux directives fixées, donc réarmer les Hutus… L’auteur de cette petite note était Hubert Védrine.”
Hubert Védrine n’a toujours pas réagi à cette accusation contre son action.
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