Dérive en chambre de deux actrices désocialisées, et dont les délires ouvrent sur l’infini de l’imaginaire et du théâtre. Un chef-d’oeuvre seventies enfin en DVD.
LE FILM
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Lorsque Femmes, femmes est sorti en 1974, beaucoup de critiques en soulignèrent l’inactualité. Dans un appartement parisien du XIVe, dont les fenêtres plongent sur le cimetière Montparnasse, deux femmes entre deux âges se jouent toute la journée la comédie. Des images découpées dans des magazines de stars des années 30 (Garbo, Dietrich, Crawford, Darrieux, Morgan) tapissent les murs et semblent observer l’étrange manège de ces deux marginales mi-clochardes, mi-aristos.
Inactuel, le film l’est forcément puisqu’il aspire le spectateur dans une faille, un espace-temps séparé, celui du monde chimérique que se sont construit ces deux Marie-Chantal alcooliques qui ne vivent que pour faire des (belles) manières.
Antinaturaliste, désocialisé, amoureux des stars du passé, de la beauté qui fane et des chansons réalistes d’avant-guerre, le film tranchait avec beaucoup de choses en 1974 : les films commerciaux de l’époque bien sûr, mais aussi les fictions de gauche, le cinéma militant…
Vu d’aujourd’hui, il paraît évident pourtant qu’il entretient des correspondances plus ou moins secrètes avec quelques oeuvres maîtresses des années 1973/74/75. Huis clos logorrhéique dans un doux noir et blanc façon La Maman et la Putain (Eustache, 1973) ; la vie happée par le théâtre et le tandem féminin comme décollage immédiat pour la fantaisie façon Céline et Julie vont en bateau (Rivette, 1974) ; la femme dans son environnement domestique comme matière d’une épopée mentale à la Jeanne Dielman (Akerman, 1975) – on y voit aussi les deux comédiennes peler longuement des patates. Inactuel, mais parfaitement synchrone des oeuvres-balises du cinéma moderne, Femmes, femmes a surtout pour lui l’éternité des chefs-d’oeuvre.
En 1974, Paul Vecchiali n’avait encore réalisé qu’un seul long métrage, L’Etrangleur, très beau film, passé inaperçu quatre ans plus tôt. Cinéphile ardent, grand admirateur d’actrices, il écrit ce face-à- face pour deux comédiennes connues, Simone Signoret et Danielle Darrieux. Mais très vite le film se tourne en contrebande, avec équipe réduite, en dix-huit jours, et dans les rôles principaux la soeur du cinéaste, Sonia Saviange, et une comédienne quasi inconnue, qui devient ensuite la muse de Vecchiali, Hélène Surgère.
Le film est un peu un anti- Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? Le vieillissement des actrices, le ratage des carrières, ne devient jamais une soupe à l’amertume que le cinéaste touille avec cruauté. Au contraire, les rêveries à voix haute, les minauderies extatiques ouvrent sur un espace infini, un labyrinthe imaginaire où la vie et son reflet échangent leurs propriétés jusqu’à se confondre.
A sa sortie, Femmes, femmes est salué par la critique et remporte un vrai succès d’estime. Mais, comme le raconte Hélène Surgère en bonus, ce sont surtout les cinéastes qui assurent au film sa réputation de perle rare. Dès sa sortie, Pasolini l’adore et invite les deux comédiennes à rejouer dans Salo ou les 120 journées de Sodome une scène de Femmes, femmes. Par la suite, le film devient de plus en plus rare, peu diffusé à la télé, jamais repris en salle. Son édition en DVD constitue un événement de premier plan.
LE DVD
En bonus, un commentaire et des entretiens avec Vecchiali et son co-scénariste Noël Simsolo et une très belle interview d’Hélène Surgère (Sonia Saviange est décédée) évoquant un film fait “par des adultes déjà arrivés à la moitié de leur vie, dans une période où ça ne marchait pas, et qui décident ensemble de faire pour un film tout ce qu’ils n’avaient pas fait”.
FEMMES, FEMMES de Paul Vecchiali, avec Hélène Surgère et Sonia Saviange (1974), La vie est belle éditions, environ 22 €.
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