Vince Gilligan, créateur de Breaking Bad, la série la plus barrée du moment, s’inspire du Parrain pour raconter l’histoire d’un prof de chimie qui pète les plombs. Rencontre avec un maître en devenir.
La timidité des diffuseurs français étant désormais légendaire, la série de Vince Gilligan n’a pas encore franchi dans ce pays le cercle des connaisseurs et des abonnés à Orange cinéma séries (environ 340 000 personnes). Pourtant, à 43 ans, il s’est fait depuis deux ans une place parmi les créateurs télévisuels les plus intéressants, aux côtés de David Simon (The Wire, Treme) et de Matthew Weiner (Mad Men). Un génie ? Peut-être. On ne se prononcera définitivement que lorsque Breaking Bad sera terminée.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop","device":"desktop"}
Gilligan a eu l’idée de sa série, la plus dingue de 2010, alors qu’il traversait une période de vaches maigres dans sa carrière entamée comme scénariste d’X-Files.
“Je parlais à un vieux pote de la fac, scénariste un peu en galère comme moi. On s’imaginait quitter le business pour aller bosser dans un supermarché. Là, il a sorti une blague en disant qu’on devrait plutôt parcourir l’Amérique dans un camping-car et fabriquer de la métamphétamine à l’arrière. J’ai creusé l’hypothèse et cela a donné le pilote de Breaking Bad…”
Soit l’histoire d’un prof de chimie banal du Nouveau-Mexique, dont la femme est enceinte, qui pète les plombs le jour où il apprend qu’il a un cancer. Il s’acoquine alors avec un dealer de bas étage pour assurer l’avenir financier des siens…
Après avoir écrit le premier épisode, Gilligan a sondé les chaînes câblées auxquelles un tel projet pouvait naturellement s’adresser.
“Mais ni FX, ni HBO, ni Showtime n’en ont voulu, explique-t-il. AMC, par contre, a sauté le pas avant même d’avoir diffusé Mad Men.”
Gilligan s’est retrouvé en 2008 à la tête d’un show pour la première fois de sa vie.
“J’étais préparé car j’ai tout appris auprès de Chris Carter, le créateur d’X-Files. Il incluait beaucoup les scénaristes dans le processus créatif, nous laissant participer au casting et au montage. Il a été mon école de cinéma.”
Deux ans plus tard, Breaking Bad est en passe de devenir un classique, au terme d’une saison 2 époustouflante – la troisième débute aux Etats-Unis le 21 mars. Oubliant toute retenue, Gilligan affine sans cesse son regard.
“Je suis de plus en plus passionné par ce personnage de citoyen ordinaire qui goûte à la transgression une fois confronté à sa mortalité. On peut parfois écrire cinq pages de scénario sans un seul dialogue, ce qui n’arrive jamais à la télévision. Je m’inspire en permanence des films et des séries que j’aime. Ma grosse influence est Le Parrain, un modèle que je revois deux ou trois fois par an.”
Même s’il cite d’abord le cinéma, Gilligan est heureux à la télé et fait partie de ces créateurs que le grand écran envie au petit. Son acteur principal, le génial Bryan Cranston, loue sa vision à long terme :
“Breaking Bad est un voyage qui accompagne le basculement radical d’un personnage. Le prof mesuré et banal que l’on connaissait au début se transforme peu à peu en un dealer habité par le mal. Il s’agit d’une première à la télévision et je serai éternellement reconnaissant à Vince Gilligan de l’avoir imaginé et de m’y avoir inclus !”
Le voyage ne fait que commencer.
{"type":"Banniere-Basse","device":"desktop"}