À l’occasion de la sortie en France de son essai écoféministe fondateur “Restons vivantes”, paru en 1988 et jamais traduit en français, on a brossé le portrait de Vandana Shiva.
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Superstar de l’écologie, égérie écoféministe, Vandana Shiva a fait de la lutte pour la biodiversité et contre le brevetage du vivant (c’est à dire le brevetage des semences par les grandes firmes agroalimentaires), le combat d’une vie. Née en 1952 en Inde, l’écrivaine et militante quasi septuagénaire a accompagné le mouvement Chipko, ces villageoises qui enlaçaient des arbres pour défendre leur forêt dans les années 70, avant de fonder son association, Navdanya, pour former les paysan·nes à l’agriculture biologique. Autrice de nombreux livres, elle s’est récemment attaquée aux milliardaires dans 1% -Reprendre le pouvoir face à la toute-puissance des riches (Rue de l’échiquier). Tandis que son essai fondateur Restons vivantes – femmes, écologie et lutte pour la survie vient enfin d’être traduit en France, on revient sur le profil de cette Indienne qui inspire l’occident.
1/ Elle est surnommée “la rockstar des anti-OGM”
Vent debout contre l’agriculture intensive, le brevetage des semences et l’usage d’engrais, qu’elle considère comme “une arme de desctruction massive”, Vandana Shiva est connue pour son combat sans concession contre les OGM. C’est d’ailleurs au milieu des années 80, qui ont vu apparaître les premiers organismes génétiquement modifiés (mis au point par les chercheur·ses de Monsanto en 1982), qu’elle a posé les bases de son ONG Navdanya pour former des milliers de paysan·nes à l’agriculture biologique. Constamment en tournée autour du monde pour promouvoir ses livres ou participer à des conférences, l’Indienne est devenue en Occident une personnalité incontournable et révérée par les altermondialistes. Hypermédiatisée, elle apparaît dans une foule de documentaires (dont Solutions locales pour un désordre global de Coline Serreau ou Demain de Mélanie Laurent) et aux côtés de nombreuses personnalités, de Ségolène Royal au Dalaï Lama.
2/ Les femmes sont au centre de son combat pour la biodiversité
“Il faut d’abord prendre conscience que les concepts de “productivité” et de croissance qui nous ont été présentés comme positifs, universels et synonymes de progrès ne sont en réalité que l’expression d’une vision patriarcale étriquée”, écrit Vandana Shiva dans Restons vivantes. En mettant les femmes au centre de son combat pour la biodiversité, dont elles sont d’après elle “les expertes mondiales”, Vandana Shiva a toujours articulé écologie et féminisme, ce qui fait d’elle l’une des figures favorites du mouvement écoféministe actuel. Sensibilisée dès son plus jeune âge à la cause des femmes, notamment par son grand-père qui se battait pour l’ouverture d’une école pour filles dans son village et qui est décédé lors d’une grève de la faim, Shiva a été désignée par Forbes en 2010 comme l’une des sept féministes les plus puissantes du monde.
3 / C’est une anticolonialiste par essence
“Le système économique fondé sur le concept patriarcal de productivité a été mis en place pour les besoins spécifiques, historiques et politiques, du colonialisme”, poursuit Vandana Shiva dans son essai. Si elle est devenue une égérie écoféministe, c’est aussi parce qu’elle est au cœur du combat anticolonialiste, en tant qu’Indienne et donc citoyenne d’une ancienne colonie: “Elle parle, pense et ressent depuis l’Inde, une ancienne colonie aux dimensions de sous-continent, dotée d’une histoire complexe et d’une culture extraordinairement sophistiquée, bafouée par des siècles de domination britannique”, écrit la philosophe spécialiste de l’écoféminisme Jeanne Burgart Goutal, qui préface cette édition française. Par ailleurs, tout comme Judith Butler ou Gisèle Halimi en son temps, Vandana Shiva fait partie des personnalités membres du Comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine, un tribunal d’opinion pro-palestinien.
4/ Ses écrits et ses méthodes sont souvent contestées et controversées
Approximations scientifiques, comparaisons hasardeuses, propagande éhontée ou storytelling savamment orchestré, les paradoxes et les incohérences de Vandana Shiva sont régulièrement pointées du doigt par les détracteur·ices de cette personnalité complexe. Ici on dénonce la présentation fallacieuse de ses diplômes -elle met en avant sa formation scientifique, mais elle a davantage le parcours d’une philosophe-, là on pointe du doigt les sommes astronomiques qu’elle réclame pour ses conférences (35 à 40 000 euros selon cet article). De cette héroïne des temps modernes on dénonce aussi, justement, l’anti-modernité, voire l’essentialisation des femmes, à travers le recours fréquent à l’expression “principe féminin”. Pour Jeanne Burgart-Goutal, “ces critiques […] sont typiques du filtre d’incompréhensions à travers lequel on peut aisément être conduit à lire et rejeter la pensée de Vandana Shiva”. Laquelle reste, n’en déplaisent à certain·es, à la fois puissante et transformatrice.
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