Le nom du groupe, celui de l’album, la pochette qui ressemble au vide-poche de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur, tout dans ce disque clignote l’Amérique hantée du Sud profond. Sans parler de la musique, qui voltige de gospel en swamp-blues rocailleux, de Leadbelly en Gun Club, de Johnny Cash en Basement Tapes avec […]
Le nom du groupe, celui de l’album, la pochette qui ressemble au vide-poche de Robert Mitchum dans La Nuit du chasseur, tout dans ce disque clignote l’Amérique hantée du Sud profond. Sans parler de la musique, qui voltige de gospel en swamp-blues rocailleux, de Leadbelly en Gun Club, de Johnny Cash en Basement Tapes avec tant de flamme qu’on n’y voit que du feu. Pourtant, tout est faux. Les Soulsavers sont un duo londonien qui appartient plus volontiers à l’espèce des architectes d’intérieurs façon Massive Attack ou Death In Vegas qu’à celle des grands fauves de plein air de la country & western. Sur leur premier album, Tough Guys Don’t Dance, déjà taraudés par l’idée de déboussoler l’auditeur, ils invitaient pour quelques titres Josh Haden, la belle voix bleu nuit de Spain.
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Ici, ils frappent encore plus fort en enrôlant Bonnie Prince Billy dans les chœurs et surtout Mark Lanegan en souffleur principal sur ces chansons de braises et de cendres. Si Haden fait encore une brève visite, le temps du très recueilli Spiritual, c’est donc Lanegan qui est chargé de la délicate mission d’incarner la chair et le sang de morceaux probablement conçus en laboratoire, aux parfums de synthèse et à la ferveur simulée. Mais peu importe le flacon ? pur malt ou Canada Dry ?, car ici l’ivresse est totale, bien plus que sur pas mal de disques aux provenances orthodoxes et qui patinent dans leur mythologie sans jamais parvenir à décoller.
Si l’habillage électronique sournois des Soulsavers laisse une grande place aux ingrédients naturels ? un orgue orgasmique, des guitares et des cuivres qui grincent aux entournures, la voix grand canyon de l’ancien Screaming Trees ?, c’est précisément le mélange entre racines carrées et roots music, entre une Amérique onirique et un authentique souffle venu des entrailles, qui provoque de telles prodigieuses étincelles. Après un bivouac chez Neil Young (Through My Sails), l’album s’achève symboliquement par une reprise magistrale du No Expectations des Rolling Stones. Les Stones, des petits Blancs londoniens, etc. Avec It’s Not How Far You Fall, It’s the Way You Land, le banquet des gueux propose enfin un deuxième service.
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