Créateur et directeur du plus ancien centre d’art en France, le Consortium de Dijon, Xavier Douroux vient de mourir.
40 ans après sa création, en 1977, le centre d’art de Dijon, le Consortium, vient de perdre son directeur, Xavier Douroux, figure clé du monde de l’art contemporain, dont il a accompagné, voire préfiguré, les aventures les plus audacieuses. Le Consortium, historiquement premier centre d’art contemporain conventionné par la délégation aux arts plastiques, fut lancé quasiment en même temps que le Centre Pompidou à Paris. Il est resté depuis un foyer à part de la création artistique, à la fois détaché des logiques délirantes du marché et relié au souci de mettre en lumière des artistes peu exposés ailleurs.
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Un précurseur
Lorsqu’avec son ami Franck Gautherot, étudiant comme lui à l’université de Bourgogne, il décide d’ouvrir un lieu pour accueillir des artistes, Xavier Douroux n’imaginait probablement pas le destin qu’il allait lui réserver : transformer un lieu punk et amical de 40 mètres carré en centre d’art prestigieux, dont le label fut acquis dès 1982. A partir de 1989, le centre s’installe dans une ancienne usine, la rénove au fil du temps, pour bénéficier de 4 000 mètres carré d’expositions. Dans un bâtiment en béton de l’architecte allemand Hostettler, rénové ensuite par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines (les architectes du Centre Pompidou Metz ou de la récente Seine musicale), le Centre s’est imposé depuis toutes ces années comme l’un des plus illustres lieux artistiques. Un lieu où vit une certaine idée de l’art, où se sont déployées un grand nombre d’énergies et de gestes puissants.
Les expositions monographiques successives – Bertrand Lavier, un local, Philippe Parreno, Chris Burden, Maurizio Cattelan, Xavier Veilhan, Daniel Buren, Pierre Huygue, Sylvie Fleury, John Armelder, Donald Judd, Yayoi Kusama… -, mais aussi toutes les explorations d’œuvres d’artistes souvent discrets en France, ont fait la réputation du lieu. La collection de plus de 300 œuvres a fait l’objet d’une exposition au Centre Pompidou en 1998.
Entouré d’autres critiques d’art à la plume aiguisée et au regard piquant, d’Eric Troncy à Stéphanie Moisdon, Xavier Douroux a animé ce Centre avec un enthousiasme indexé à son immense curiosité. L’actuelle exposition “Truchement“ témoigne de cet activisme forcené, en présentant des œuvres de Cattelan, Bertrand Lavier, Olivier Mosset, Yves Klein ou On Kawara…
Sa capacité à circuler au sein de l’histoire de l’art
Tous ceux qui l’ont approché peuvent témoigner de son immense savoir, de sa capacité à circuler au sein de l’histoire de l’art tout en prenant soin d’en imaginer sans cesse la réinvention, à travers des formes qu’il savait prélever dans la masse des gestes artistiques disséminés. Au-delà des activités du Consortium, il avait aussi œuvré à la création des Presse du réel, maison d’édition géniale publiant des textes de référence sur l’art contemporain, comme à celle d’Anna Sanders Films, maison de production de films (notamment ceux de Apichatpong Weerasethakul).
Sa disparition laisse sans voix ses amis et tous les artistes qu’il a accompagnés. Il avait 61 ans. Mais c’est comme s’il en avait 40. Mourir à 40 ans.
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