Deux plaintes en rapport avec le drame du Rwanda viennent d’être déposées par des associations qui veulent faire la lumière sur les complicités avec les meurtriers. L’une vise des responsables politiques et militaires français, l’autre la BNP, accusée d’avoir participé à l’achat d’armes destinées aux “génocidaires hutus”.
Le génocide rwandais revient à toute allure au premier plan de l’actualité, vingt-trois après les faits. Après la mise en cause d’Hubert Védrine dans le dernier numéro de la revue XXI, consacré aux “crimes” de la France en Afrique, on passe de la dénonciation journalistique à l’accusation juridique. Deux plaintes en rapport avec le drame du Rwanda viennent d’être déposées.
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La première semble découler directement des affirmations du journaliste Patrick de Saint-Exupéry concernant des livraisons d’armes par l’armée française aux “génocidaires” hutus en fuite vers le Zaïre après les déroute face au FPR, le mouvement rebelle dirigé alors par l’actuel président du Rwanda Paul Kagame.
Une première plainte déboutée
L’association Survie, “qui milite pour l’assainissement de la politique africaine de la France”, a annoncé avoir déposé le 28 juin une plainte “concernant les livraisons d’armes par des responsables politiques et militaires français au gouvernement génocidaire rwandais en 1994”.
Survie avait déjà déposé en 2015 une première plainte contre X visant la possibilité que la France se soit rendue complice du génocide mais cette plainte avait été classée sans suite en septembre 2016, le procureur ayant considéré que “le président de la République, au demeurant décédé depuis lors, n’était responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison, et justiciable devant la seule Haute Cour de justice ».
Mais les responsables de Survie estiment que ce n’est pas seulement le président de la République qui était visé par la plainte mais aussi, selon l’avocate de l’association Me Safya Akkori, “les membres des cabinets ministériels ou du secrétariat général de l’Elysée”, en l’occurrence Hubert Védrine qui occupait ce poste à cette époque. “Il faut faire la lumière sur les relations entre les autorités rwandaises de l’époque et les responsables politiques et militaires français », poursuit-elle.
La BNP complice de génocide ?
La deuxième plainte concerne non pas des responsables politiques mais une banque : la BNP est accusée par trois associations (Sherpa, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda et Ibuka) de “complicité de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre”.
BNP Paribas aurait participé au “financement de l’achat de 80 tonnes d’armes ayant servi à la perpétration du génocide”. En effet en juin 1994, trois hommes, dont un sulfureux marchand d’armes sud-africain Petrus Willem Ehlers, un officiel zaïrois et le colonel Bagosora, membre du gouvernement rwandais, aujourd’hui en prison après sa condamnation à trente-cinq ans de réclusion par le TPIR pour génocide, ont acheté des armes, essentiellement des kalachnikovs et des mortiers, pour un montant de 1,3 million de dollars (1,1 million d’euros).
Ces armes, officiellement destinées aux troupes du Zaïre, ont été finalement été confiées à l’armée rwandaise, en violation d’un embargo décrété par les Nations unies, puis redistribuées aux milices génocidaires hutues alors en pleine action.
« Ces armes ont servi à équiper des miliciens qui ont participé au génocide, explique à Franceinfo Jacques Morel, auteur de La France au cœur du génocide des Tutsi (éd. L’esprit frappeur, 2010). Il y a eu beaucoup de massacres à la machette, mais aussi à l’arme automatique. Cette livraison d’armes en provenance des Seychelles était essentiellement constituée de kalachnikovs AK-47. »
Alors que plusieurs banques, inquiètes de la réputation du marchand d’armes sud-africain, avaient refusé de participer à la transaction, BNP avait donc géré le transfert de fonds. S’est-elle ainsi rendue “complice” du génocide en cours ? C’est en tout cas l’avis de l’association Sherpa qui s’appuie un arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire Maurice Papon – condamné en 1998 pour l’organisation de la déportation de juifs de Gironde pendant la Seconde guerre mondiale – qui spécifiait qu’ “il suffit d’aider ou d’assister en connaissance de cause une ou plusieurs personnes à commettre un crime de génocide”.
Selon Marie-Laure Guislain, responsable du pôle globalisation et droits humains chez Sherpa, la BNP, “ne pouvait pas ignorer que cette somme était destinée à acheter des armes” . Contactée par la presse BNP Paribas déclare ne pas disposer pour le moment des éléments suffisants pour répondre à ce dépôt de plainte.
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