Rencontre avec Marine Gora et Romain Tellier, à la tête du café-cantine Gramme.
Dans le prolongement de leur cantine dans le Marais, Marine Gora et Romain Tellier ont signé en 2021 chez First leur manuel de cuisine. Un livre de recettes photographié par The Social Food qui se veut une mine de conseils pour constituer son épicerie, réaliser ses vinaigrettes et monter sa mayonnaise. L’occasion de revenir sur le chemin parcouru.
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Marine comme Romain, vous ne veniez pas du milieu de la restauration quand vous avez ouvert Gramme. Vous faisiez quoi ?
Romain Tellier – Après avoir fait une école de commerce, je suis rentré dans un cabinet pour faire du conseil en stratégie. J’ai bossé là-bas pendant trois ans, avant de rencontrer Marine. On en avait un peu marre de nos emplois respectifs, c’est comme ça que l’idée d’ouvrir un coffee-shop est venue. Moi, je n’avais jamais fait de restauration, même pas en job étudiant ! Pour savoir si j’aimais vraiment ça, j’ai commencé par faire une formation de barista chez Lomi, puis j’ai bossé pendant deux ans chez 5 Pailles.
Marine Gora – Je travaillais dans la promo et le marketing chez Universal Music pour le label Def Jam. Je savais que j’allais faire de la cuisine, mais pas tout de suite. Je m’imaginais plutôt ouvrir mon boui-boui toute seule à 35 ans après avoir mis des sous de côté. C’est la rencontre avec Romain qui a précipité les choses. J’ai passé mon CAP puis approfondi mes connaissances de la cuisine française dans un bouchon lyonnais. Une fois fixé·es sur les grandes lignes de notre projet, j’ai commencé à travailler au café Oberkampf et au café Méricourt.
Pourquoi vous être installé·es rue des Archives ?
Romain Tellier – Entre le moment où on a l’idée et l’ouverture de Gramme, deux ans se sont écoulés. Trouver le local nous a pris beaucoup de temps, parce que l’on n’avait pas un budget énorme et à Paris, un local commercial bien placé, ça coûte cher ! Trouver ce local rue des Archives, c’était une chance. C’est Marine qui a trouvé l’annonce sur Leboncoin, il n’y avait même pas de photos, juste cette info : “28 m² disponible rue des Archives.” On sortait complètement de notre cahier des charges avec cette annonce.
C’était justement dans votre cahier des charges d’avoir une cuisine ouverte ?
Marine Gora – Oui, je voulais que les personnes puissent manger sur le comptoir, qu’ils puissent voir ce qui se passe.
Romain Tellier – Je ne me voyais pas travailler en salle, et Marine au fond de la cave. On a toujours voulu que la cuisine et la salle fassent partie intégrante de l’atmosphère de Gramme. On veut que les personnes puissent interagir avec la cuisine, que ce ne soit pas une partie invisible.
J’ai lu que vous n’aimiez pas l’appellation coffee-shop, pourquoi ?
Marine Gora – Gramme, c’est un café-cantine. On voulait créer quelque chose qui n’existe pas encore ici. À Paris, pour le petit-déjeuner, t’as la tartine beurre-confiture des bars-brasseries, les granolas, les avocado toasts… Notre idée, c’était de pouvoir venir prendre un bol de riz ou de nouilles ou un bánh-mi dès 9 h du matin.
Romain Tellier – Pour préparer notre projet, on a beaucoup voyagé. On a été à Londres, à New York, à Berlin pour voir ce qui se faisait. En France, le coffee-shop, ça se limitait à un cookie, un banana bread, un avocado toast et du café. Nous, ce n’est pas du tout ce que l’on voulait faire. À Londres, tu peux manger un udon à 8 h du mat, c’est ça que l’on voulait. On voulait une offre salée en continu, de 9 h à 17 h. Ce n’est pas parce que c’est une tartine que tu ne peux pas avoir de la vraie cuisine dessus. Une cuisine simple, mais avec un twist. Ajouter la petite herbe ou le pickles qui fait la différence.
Marine Gora – À Paris, on a tout, de la cuisine italienne, méditerranéenne comme du franchouillard, du bon terroir. Le but avec Gramme, c’était de ne pas se donner de limites, de proposer dans une même carte un bánh-mi, une tartine avec de la ricotta, un bol de udon ou encore une blanquette. D’ailleurs au début, on faisait pas mal de plats typiques des bouillons, comme le purée-saucisse.
Romain Tellier – Parce que la carte change tous les jours, on a des clients qui viennent quotidiennement et qui ne prennent jamais la même chose. Si un matin Marine se lève et veut faire un poulet-curry, elle le fait !
Marine, ton père est polonais-allemand, ta mère d’origine vietnamienne ; tes origines métissées influencent-elles ta cuisine ?
Marine Gora – Quand je cherche de l’inspiration, je me tourne vers ma famille. Un matin je peux écrire à mon père pour qu’il me partage des recettes. En décembre par exemple, on a mis à la carte un plat polonais à base de galette de pommes de terre, panais et céleri. On a fait aussi des bols de riz avec des boulettes de cochon et des pickles vietnamiens, des sausage rolls laotiens. J’aime croiser les ingrédients, les recettes.
Pourquoi avoir choisi de faire un livre de recettes à ce stade de l’aventure ? Est-ce une étape obligée ?
Romain Tellier – Depuis le départ, notre volonté avec Gramme, c’est de proposer une expérience globale, avec une épicerie, des tee-shirts… Le livre s’inscrit parfaitement dans cette idée.
Marine Gora – En deux ans, on a réuni de nombreuses et très jolies photos de nos amis Shirley et Mathieu de The Social Food. Il ne restait plus qu’à écrire ! D’habitude, c’est un peu l’inverse, on a les recettes et on fait ensuite les photos.
Romain Tellier – On voulait aussi qu’il y ait notre style un peu “débrouille”, d’où les illustrations, que le livre vive. Marine utilise souvent le terme de “grimoire”. On voulait que le livre se tache, qu’il soit posé à côté des plaques et pas dans une bibliothèque.
Marine Gora – De la farine, pas de la poussière !
Gramme – Manuel d’une cuisine parisienne, par Marine Gora et Romain Tellier.
Gramme, 86 rue des Archives, Paris (3e).
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