Des ados british de “Skins” aux sportifs américains de “Friday Night Lights”, les teen séries ne cessent de se réinventer et mettent de plus en plus en avant le mal-être existentiel. La preuve en dix exemples.
Il n’aura échappé à personne que les séries pour ados se sont considérablement assombries depuis le début des années 2000. Le triptyque d’enjeux parents-amis-amours, qui structurait la plupart des teen séries des années 1990, n’aura jamais été aussi mis à mal par un registre qui verse de plus en plus dans le drame, le mystère, et dans certains cas, le fantastique.
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Et ce n’est pas la nouvelle saison d’Euphoria, dont le premier épisode est sorti cette semaine, qui viendra contrer la tendance. Alors que la santé mentale émerge comme véritable sujet de société et que la jeunesse est plus suicidaire et politisée que jamais, la fiction pour adolescents prend le pli et tente de dépeindre au mieux ce climat orageux, sans tomber dans le trauma porn.
Friday Night Lights (NBC, 2006)
Depuis quelques années, la figure incontournable du jock ou athlète de lycée est mise à mal par les films et séries pour ados. Plus qu’un ressort narratif, elle est utilisée pour disséquer l’apprentissage de la masculinité toxique, la pression des adultes pour produire de parfaits petits hommes qui croquent la réussite à pleines dents. Et ce portrait au vitriol d’une génération de jeunes hommes paumés et nocifs aussi bien pour eux-mêmes que pour les autres, Friday Night Lights achève de l’esquisser dans ses cinq saisons. Dans la petite ville texane qu’elle invente, cette production de NBC met à nu les maladies de l’Amérique qui, un jour ou l’autre, finissent par faucher la jeunesse en plein vol. Le fantôme de la guerre en Irak et de la crise économique ne sont après tout jamais loin.
Skins (E4, 2007)
À une époque gangrenée par les séries pour ados family friendly, Skins et sa ribambelle de teens qui jurent, forniquent et se droguent avait de quoi faire frémir les familles nucléaires dans les chaumières. À bien des égards, la production britannique a pavé la voie pour Euphoria. Sur le ton absurde mais sensible qui est le sien, elle aborde des thématiques souvent susceptibles de basculer dans le registre horrifique (un pas d’ailleurs carrément sauté pour clore sa seconde génération). Qui plus est, ses personnages les plus iconiques sont ceux qui n’auraient pas craché sur une thérapie : alors que Cassie cumule les séjours en clinique à cause de ses troubles alimentaires, Effy manque de mourir d’une overdose à seulement quatorze ans.
Misfits (E4, 2009)
Misfits mange ses enfants terribles à la sauce SF. Cinq jeunes réunis par des travaux d’intérêt général développent des pouvoirs surnaturels après avoir été frappés par la foudre. Mais contrairement à Peter Parker, leurs grands pouvoirs ne leur inspirent pas de grandes responsabilités. C’est au contraire une avalanche d’embrouilles qui font irruption dans leurs vies déjà chaotiques à cause de la précarité, de l’isolement et de caractères un poil trop sanguins. Mais c’est en insufflant une forte personnalité à ses héros et beaucoup d’autodérision que Misfits désamorce les clichés qu’ils représentent : celui des chavs, l’équivalent britannique de nos jeunes de banlieue, dont la réputation fait trembler la bourgeoisie.
Journal d’une ado hors norme (E4, 2013)
Cette mini-série anglaise qui prend place dans les nineties fait l’objet d’une attention plus discrète mais pas des moindres. Elle nous plonge dans le quotidien de Rae, une adolescente obèse et dépressive qui revient dans le monde des vivants après un séjour à l’hôpital psychiatrique. L’enjeu n’est pas seulement pour Rae de mieux se comprendre et de se rétablir, c’est aussi de regarder par-delà les masques de ceux qui l’entourent pour comprendre qu’eux aussi ont leurs problèmes. Entre ce qui relève du blues adolescent et du pathologique, la frontière est fine. Et l’héroïne grande gueule et émotive du Journal d’une ado hors norme n’est pas la seule à se battre contre ses démons intérieurs.
Skam (NRK, 2015)
À l’origine norvégienne, Skam a rencontré un tel succès qu’elle s’est exportée dans une vingtaine de pays, qui ont tous proposé leur remake. Abordant le quotidien d’un groupe de copines, la série a l’habitude de suivre la formule une saison = un personnage avec un problème spécifique. Et derrière les sujets mainstream et habituels des teen séries comme le harcèlement scolaire, les relations toxiques ou le poids du regard des autres, s’en cachent d’autres plus rarement représentés à l’écran et lourds en portée dramatique : la bipolarité, l’alcoolisme et même le déni de grossesse.
13 Reasons Why (Netflix, 2017)
Depuis son lancement en 2017, la série produite par Selena Gomez aura fait du chemin. En découvrant une boîte de cassettes audios qui porte son nom, Clay Jensen ne savait pas qu’il ouvrait une boîte de Pandore, les vannes d’une détresse qu’il ne pourrait plus jamais chasser de sa mémoire. Les treize raisons, ce sont celles que sa camarade de classe Hannah Baker égrène pour expliquer pourquoi elle met fin à ses jours. Le geste secouera son entourage comme une onde de choc, et montrera que l’acte de la jeune fille n’est que la partie émergée de l’iceberg. 13 Reasons Why, dans ses quatre saisons, nous donne à voir un large spectre de troubles et de problèmes qui affaiblissent la santé mentale de ses teens dans le monde impitoyable du lycée.
The End of the F***ing World (E4, Netflix, 2017)
Qu’on ne se laisse pas duper : sous son esthétique très léchée, The End of the F*cking World n’a rien d’une promenade de santé pour ses deux personnages principaux, James et Alyssa. Tandis que l’un se définit lui-même comme un psychopathe et préfère la torture de petits animaux à la compagnie des gens de son âge, Alyssa ne maîtrise pas très bien ni les codes sociaux, ni ses émotions. Dans une émulation du couple légendaire Bonnie & Clyde, les deux se lancent dans un road-trip en bonne et due forme à travers bois, diners et autres classiques du genre, sans se départir de leur sombre intérêt pour le malsain et le macabre. Et, à l’image de son titre à la fois provocateur et dramatique, laissent un sillage de noirceur dans nos imaginaires.
Riverdale (Netflix, 2017)
En six saisons, presque rien n’a été épargné aux protagonistes de Riverdale. Entre des passages en prison, des échauffourées avec des barons de la drogue et des trafiquants d’organes, et des troubles psy très imagés à l’instar d’un certain “gêne du serial killer”, Archie et ses amis ont déjà tout vu du haut de leurs dix-sept ans. Loin de l’insouciance espiègle des comics dont Riverdale tire son univers, la série s’ancre au contraire dans un univers très sombre, où les adultes sont démissionnaires et bardés de mauvaises intentions. Et sa cousine lointaine, Les Nouvelles Aventures de Sabrina, n’a rien à lui envier niveau péripéties glauques.
Euphoria (HBO, 2019)
Créée par Sam Levinson et produite par Drake, Euphoria est entrée à grand fracas dans le paysage audiovisuel en 2019. Elle prend le pouls d’une jeunesse désabusée, dont l’innocence s’est fait la malle depuis longtemps, et drape le tout dans une esthétique mâtinée de couleurs néons et de paillettes qui adoucit le vague à l’âme. Loin des highschool sweethearts et des losers au cœur d’or, le monde fébrile d’Euphoria est peuplé d’ados abîmés, lucides et parfois destructeurs, son héroïne en tête de file. Interprétée par une Zendaya filiforme et éteinte, Rue se fait la voix d’une génération désenchantée, déjà aux prises avec la toxicomanie, le désarroi politique et les traumatismes.
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