Les éditions Cornélius poursuivent la publication de l’œuvre du grand mangaka japonais adepte des yōkai, ces monstres mythiques qu’il fait voyager ici hors de leur pays d’origine.
L’œuvre de Shigeru Mizuki traverse plusieurs années, et fait un va-et-vient entre l’Histoire et la mythologie, les grands récits et les petites fictions. Celles-ci sont plus ou moins liées à des récits d’horreur, et s’organisent autour d’un personnage créé par Mizuki : le jeune et hideux Kitaro. Depuis une quinzaine d’années, les éditions Cornélius s’évertuent à faire paraître des livres du dessinateur japonais, reprenant toutes les facettes de son travail, et ont ainsi déjà publié plusieurs volumes consacrés à Kitaro.
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Miroir révélateur
Elles débutent ici un cycle en deux volumes dévolus à la lecture d’un moment particulier chez Mizuki, lorsqu’il envoie son personnage hors du Japon. Une exploration du monde, donc, à la façon de Candide et en forme, surtout, de quête toujours irrésolue : celle de parcourir un faisceau de pays et d’y retrouver quelque chose de l’âme japonaise. Comme si le déplacement ne valait que par ce qu’il apprend au personnage de lui-même, de ses racines et pour ce que nous, lecteur·trice, trouvons de nous-même dans un ailleurs qui n’est autre qu’un miroir révélateur.
Ici, d’histoire en histoire, le monstre s’apparente à un virus
Mizuki accomplit cela en s’emparant des figures classiques de monstres japonais, les yōkai, que son personnage combat à longueur de récit, et qui comptent parmi les plus dessinées par l’auteur – il en a fait plusieurs livres qui sont autant de bréviaires ou d’anthologies de ces créatures mythiques du Japon. Ici, d’histoire en histoire, le monstre s’apparente à un virus : il circule, il est partout, il mute, il a sans cesse une apparence et une personnalité différentes, tout en restant fidèle à sa nature profonde : un être mythologique, qui capte quelque chose de vos peurs, et dévoile ce qui vous fait vibrer, voire rêver.
Est-ce cela que Shigeru Mizuki cherchait : capter l’immuable du Japon dans des récits qui semblent pointer le sens du déplacement de ses concitoyen·nes ?
Du plus grotesque au plus réaliste
Kitaro, on le voit et on le sait, est d’abord et essentiellement un fil rouge permettant de suivre le chemin des monstres et de les regarder, d’en comprendre l’âme, la teneur. Confrontés à d’autres traditions, d’autres pays, ils ne changent guère : ils sont japonais en diable. Est-ce cela que Shigeru Mizuki cherchait : capter l’immuable du Japon dans des récits qui semblent pointer le sens du déplacement de ses concitoyen·nes ?
Son dessin évolue lui aussi dans cette optique : il se déplace en usant parfois de techniques antinomiques, allant du plus grotesque au plus réaliste, mixant le comique avec le drame, comme en un même geste qui pointe la vacuité du mouvement face à la rapidité du monstre : le virus va plus vite que vous, semble-t-il dire. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à vivre. Des récits pour notre époque, sans doute.
Les Voyages de Kitaro t.1 de Shigeru Mizuki (Éditions Cornélius), traduit du japonais par Fusako Halle-Saito, 224 p., 16,50 €. En librairie le 24 février.
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