Le journaliste Lelo Jimmy Batista publie “Nicolas Cage, Envers et contre tout”, un portrait passionnant de l’acteur américain.
“Essayez aujourd’hui, lorsque Cage apparaît, de regarder quelqu’un d’autre que lui à l’écran — c’est impossible.” Et le questionnement de cette impossibilité à décrocher est précisément ce qui fonde la “cagephilie”, étrange maladie affectant certain·es spectateur·trices de cinéma, et à laquelle Lelo Jimmy Batista apporte une contribution essentielle avec ce court, mais remarquable ouvrage, édité par Capricci. Critique cinéma et musique à Libération, par ailleurs scénariste à ses heures, Batista s’était déjà livré en 2019 à un exercice similaire, autour de Robert Mitchum, dans la même collection Stories (Robert Mitchum, l’homme qui n’était pas là).
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Oscillant entre la biographie romancée et l’essai, Nicolas Cage envers et contre tout se propose, en un peu plus de 120 pages, de tirer le portrait de la star hollywoodienne, star qui a suscité jusqu’ici très peu de littérature cinéphile, au-delà de quelques articles pour la plupart recensés en bibliographie. Mais il s’agit ici moins d’un portrait classique, ordonné, que d’un assemblage de polaroids dessinant une figure composite et chaotique. Certains passages de la vie et de la carrière de Nicolas Coppola, ainsi qu’il est né en 1964, sont ainsi détaillés avec force précision, quand d’autres sont simplement ignorés. Batista a manifestement rassemblé beaucoup de documentations sur l’acteur, mais lorsqu’il ne sait pas, il n’hésite pas à broder, à extrapoler, pour nous donner accès, non seulement à son intériorité, mais aussi à des scènes privées, plausibles, mais imaginaires.
Onze animaux
Et c’est justement cette liberté prise avec la sacro-sainte rigueur journalistique à l’américaine (notes de bas de page, sourçage précis, etc.) qui donne tout son sel à l’ouvrage. Cage est ici considéré autant comme personnalité que comme persona, et cette indistinction lui va à ravir – sans doute à lui plus qu’à tout autre acteur contemporain, tant chacune de ses apparitions, à l’écran ou dans la sphère publique, semble émaner d’une vision surréaliste. Sa carrière et sa vie sont abordées dans un même geste, l’une et l’autre se prolongeant sans qu’il soit possible de déterminer quand une caméra est allumée ou non.
Batista a, par ailleurs, la bonne idée de placer chacun de ses onze chapitres sous le règne d’un animal. Si l’on savait déjà que l’acteur de Sailor et Lula était un serpent, changeant régulièrement de peau sans changer en profondeur, obligé de sans cesse faire sa mue pour se retrouver lui-même (c’est sa figure artistique privilégiée, celle dévoilée par exemple par Volte Face, un film malheureusement ignoré par ce livre), l’écrivain nous rappelle qu’il faudrait un zoo pour contenir tous les animaux qui vivent dans la Cage : cheval, baleine, cafard, hyène, corbeau… On peut regretter seulement que le zoo en question ne soit pas plus grand, mais en attendant, il offre la meilleure visite guidée qui soit dans la psyché de cet immense acteur.
Nicolas Cage, Envers et contre tout de Lelo Jimmy Batista, collection Capricci Stories
{"type":"Banniere-Basse"}