Le dessinateur français ne regrettera pas d’avoir attendu quinze ans pour revisiter le roman d’Orwell. Pour sa 4e édition, le prix BD Fnac France Inter – dont les “Inrocks” sont partenaires – récompense sa superbe adaptation.
Il y a pile un an, a eu lieu une guerre sourde et sans victime humaine, celle des 1984. En effet, quatre adaptations en BD du roman de George Orwell arrivaient en même temps en librairie. Cet embouteillage s’expliquait de manière triviale : le roman de l’écrivain anglais venait juste de tomber dans le domaine public et il ne fallait pas rater le coche. Douze mois plus tard, une seule des quatre adaptations a vraiment marqué les rétines et les mémoires, celle réalisée par l’auteur français Xavier Coste.
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Son 1984 se révèle d’autant plus marquant qu’il vient de recevoir le prix BD Fnac France Inter 2022 – l’annonce a eu lieu dans l’émission de France Inter Popopop -, prix dont les Inrockuptibles sont partenaires. Sélectionnée parmi les coups de cœur des libraires Fnac puis short-listée par un jury grand public, l’œuvre de Xavier Coste a écarté la concurrence (dont Dessiner encore de Coco) et convaincu le jury final présidé par Antoine de Caunes qu’il fallait récompenser ce roman graphique à la fois sombre et lumineux.
Une démarche personnelle
Si le dessinateur voit sa relecture ainsi distinguée, c’est qu’il a su transcender l’exercice parfois paresseux de l’adaptation pour imaginer le livre de ses rêves et transmettre les émotions qu’il a ressenties lors de sa première lecture il y a une quinzaine d’années. En s’attaquant à 1984, Coste n’a pas répondu aux urgences d’un coup éditorial, mais est allé au bout d’une démarche viscérale et personnelle. “Depuis que je suis adolescent, je n’ai qu’une idée en tête : faire cette bande dessinée, affirmait avec force le trentenaire au moment de la parution de son 1984. Ce livre mettait des mots sur des images que j’avais en tête, ça a été une révélation”.
Depuis 2012, il a enchaîné les projets ambitieux tels que des BD biographiques d’Egon Schiele ou Rimbaud chez Casterman. Il a même déjà adapté un classique de la littérature – française, cette fois – L’Enfant et la Rivière d’Henri Bosco. Mais il n’a jamais renoncé à 1984, malgré les embûches contractuelles. Il a ainsi proposé plusieurs fois à des éditeurs d’adapter le roman d’Orwell jusqu’à ce que son arrivée dans le domaine public débloque le sac de nœuds juridique. “C’était une vraie frustration pour moi, mais, en même temps ça m’a permis de prendre le temps de mûrir le projet dans ma tête, et de commencer à travailler dessus pendant toutes ces années”.
Que ce soit en termes de structure ou de phrasé, Xavier Coste a voulu rester au plus près du texte original qu’il a retraduit avec l’aide de l’éditeur Sarbacane. C’est sa mise en scène coup de poing qui rend son 1984 aussi percutant. Privilégiant un format carré pour favoriser l’immersion dans l’univers dystopique d’Orwell, le dessinateur a utilisé une gamme de couleurs volontairement limitée pour exprimer la violence de l’histoire. Parce qu’il a terminé son adaptation lors du premier confinement de 2020, l’auteur, trouvant l’instauration d’attestations de déplacement “ubuesque”, en a placé une en page de titre, soulignant encore combien le roman d’Orwell résonne avec notre actualité. “Il a très bien compris et analysé le fonctionnement des pouvoirs politiques. Il nous met en garde contre ses dérives et nous fait réfléchir à ce que nous sommes prêts à accepter”.
1984 de Xavier Costes d’après George Orwell (Sarbacane), 240p., 28€
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