L’industrie de la satire téléphonée dans ses basses œuvres – un spectacle facile et ronflant auquel il faut malheureusement commencer à s’habituer.
Il y a un an de cela, Netflix sortait un étrange mockumentary commandé aux créateur·trices de Black Mirror, mêlant véritables images d’archives télévisuelles et interviews de fausses personnalités à même de commenter et/ou incarner le pire de l’année écoulée : une politicienne trumpiste (Lisa Kudrow), un influenceur écervelé (Joe Keery de Stranger Things), un historien réac (Hugh Grant), un scientifique (Samson Kayo), une “Karen” (Cristin Milioti)…
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Rebelote donc en 2021, avec plus ou moins les mêmes têtes et un principe inchangé : faire défiler l’année de façon chronologique, avec une voix off qui en commente de façon narquoise les événements les plus importants, ou les plus symptomatiques d’une progression tranquille de l’apocalypse. Catastrophes climatiques, morts du Covid-19, campagnes de vaccination amorties par l’opposition conspirationniste, milliardaires dans l’espace, accord militaire américano-australien, lancement du métavers, procès de Derek Chauvin et autres reliquats faisandés de l’infotainment des douze derniers mois passent donc à la moulinette de Netflix, qui ne s’est d’ailleurs pas gêné pour élire au rang de milestones de l’année trois de ses propres succès (Bridgerton, Seaspiracy et Squid Game événementialisés à égalité avec le putsch taliban, sérieux ?).
2021, pâle copie de 2020 ?
Le programme n’était déjà pas bon l’an dernier ; son nouveau millésime l’est encore moins : les auteur·trices renommé·es sont parti·es, de même que les plus grosses stars, et il faut ajouter que l’année 2021 en elle-même a descendu en gamme, ne justifiant pas totalement d’avoir ressorti le format (a-t-on vu surgir une grande nouveauté dans le paysage du désastre, à part la continuité molle des désastres préexistants ?).
En faisant recette d’une telle formule qu’on imagine peu coûteuse (une poignée de plateaux d’interviews, quelques salaires de semi-stars, une writing room et roulez jeunesse), Netflix institue cependant un certain spectacle avec lequel il nous donne désormais un rendez-vous annuel : celui d’une négativité affectée vis-à-vis de l’état du monde, en partie feinte ou du moins surjouée dans un esprit de totale connivence, qui se fait les dents sur les cibles les plus faciles et renvoie chaque spectateur·trice dans le confort de ses petites opinions.
La plateforme n’est pas allée chercher son inspiration bien loin : on connaît le succès sur les réseaux sociaux de cette sorte de complaisance faussement dépressive, mélange de haine grossière de l’autre et de culte narcissique, désormais converti en entertainment de masse fait par et pour des gens qui n’aiment rien tant que se plaindre des lundis, des rapports du GIEC, de leur horoscope ou d’un “oncle réac” qu’ils ont inventé de toutes pièces pour alimenter leurs tweets de Noël. Pour rester dans le sujet : s’il y a bien quelque chose de fake qui doit ressortir de tout cela, c’est bien le sentiment de révolte et d’anxiété dont le film voudrait se faire la chambre d’écho, et qui n’a jamais autant eu l’air d’une posture et d’un spectacle.
Death to 2021 de Josh Ruben et Jack Clough, actuellement sur Netflix
{"type":"Banniere-Basse"}