Révélé au grand public en 2017, les doutes de l’administration américaine concernant l’ingérence russes dans leur élection présidentielle remonte au mandat de Barack Obama. Explications.
Dans un article paru ce 23 juin, le journal américain Washington Post révèle que Barack Obama avait été alerté dès l’été 2016 que la Russie tentait de pirater les élections présidentielles.
Les premiers doutes apparaissent dès l’aube de 2015, lorsque les services secrets américains se rendent compte que les Russes ont pénétré les réseaux informatiques du Parti démocrate. Mais il faudra attendre de longs mois d’enquêtes, menées conjointement par les trois grandes agences de renseignement américaines, pour qu’apparaisse le nom de Vladimir Poutine. Dans un document déclassé, la NSA, le FBI et la CIA accusent alors le président russe d’avoir « commandité une campagne d’influence sur les élections présidentielles américaines de 2016 » :
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« Les objectifs de la Russie étaient de saper la confiance des citoyens dans le processus électoral démocratique, de dénigrer Hillary Clinton, et de porter préjudice à son éligibilité. Nous affirmons que Poutine et le gouvernement russe ont montré une préférence notable pour le président élu, Donald Trump ».
Ce document n’est rendu public que le 6 janvier 2017. Pourtant, selon les révélations du Washington Post, Barack Obama avait été alerté des opérations secrètes de son homologue russe dès août 2016. À travers un long article et une frise chronologique, le journal américain revient en détails sur le long parcours du président américain et de son administration pour certifier l’implication de Poutine, et décider des sanctions à appliquer.
Prouver l’implication directe de Poutine
Dès 2015 donc, les différentes agences de renseignement américaines se doutent que les forces d’espionnage russes tentent d’ingérer dans les élections américaines. Pourquoi ? Qui est derrière tout ça ? De nombreuses interrogations persistent.
Pour éclaircir ces aspects, le président américain, « très inquiet » selon un ancien responsable cité par le Washington Post, « voulait le plus d’informations possibles, aussi vite que possible » :
« Il voulait que l’ensemble des services de renseignement soit sur le coup. »
Le directeur de la CIA, John O. Brennan, est ainsi chargé de créer un « groupe de travail secret », regroupant des membres de sa propre agence, mais aussi de la NSA et du FBI. Nous sommes alors en août 2016, et les élections auront lieu dans à peine trois mois. À ce moment-là, rapporte le journal, la Maison Blanche ne croit pas vraiment que les manigances du pouvoir russe puissent influencer le résultat des élections.
Plusieurs semaines d’investigation sont encore nécessaires pour prouver l’implication directe de Vladimir Poutine. Mais le groupe de Brennan arrive enfin à cette conclusion fin septembre :
« Les interférences étaient une opération russe dirigée par Poutine. »
Le rendre public ou le cacher ?
Faut-il rendre publique cette information ? À l’heure des premiers doutes, seul un cercle très restreint de la Maison Blanche est tenu au courant des avancées des services de renseignement : Obama lui-même, et trois de ses collaborateurs principaux. Peu à peu, ce cercle s’agrandit, notamment à une douzaine d’élus clés des deux principaux partis. Si les Démocrates veulent informer les citoyens américains de ce qui se trame, les Républicains refusent : ce serait « miner un peu plus la confiance dans le système, et faciliter ainsi la Russie à atteindre son objectif », rapporte le Washington Post.
Mais lorsqu’en septembre ces doutes sont avérés, le président américain souhaite les rendre publics. Pour la première fois dans la presse, le 7 octobre 2016, Washington accuse officiellement Moscou d’avoir piraté ses élections. Mais cette déclaration, qu’Obama ne souhaite pas signer, est vite évincée par l’affaire des e-mails volés à Hillary Clinton, et par de nouveaux propos scandaleux de Trump. Dans cette déclaration, le nom de Poutine n’est cependant pas explicitement cité ; les autorités ont préféré utiliser l’expression « le plus haut responsable russe ».
Le président russe ne sera donc officiellement accusé que dans le document déclassé publié après l’élection de Trump, et donc après la victoire indirecte de la Russie.
Quelles sanctions ?
« La Russie a violé notre souveraineté en s’ingérant dans l’un des actes les plus sacrés de notre démocratie : l’élection de notre président. Le Kremlin aurait dû payer plus fort pour cette attaque ». Comme le souligne Michael McFaul, ancien ambassadeur de Russie sous l’administration Obama, la question des sanctions à infliger à la Russie a également fait débat, durant de longues semaines.
Avant les élections, la priorité n’est cependant pas de punir les agissements de la Russie : les responsables américains ont bien trop peur que Poutine aille encore plus loin, en planifiant une cyber-attaque le jour-même des élections. Un membre de l’administration Obama le confirme au Washington Post :
« Notre priorité en août, en septembre et en octobre était d’empêcher les Russes d’aller au maximum de ce dont ils étaient capables. Nous avons estimé que nous aurions tout le temps nécessaire après les élections, quel que soit le résultat, pour nous occuper des mesures punitives ».
Les États-Unis se contentent donc d’avertissements, dont l’un adressé directement par Obama à Poutine, à en croire le journal, lors d’une réunion de leaders mondiaux, à Shanghai, en Chine.
Mais une fois la mission des Russes accomplie, le 8 novembre 2016, des sanctions s’imposent. Trois types sont envisagées : économiques, diplomatiques, et informatiques. Un groupe dédié s’efforce de trouver des mesures adéquates, et s’arrache les cheveux, jusqu’à en être « démoralisés », cite le Washington Post. Des dizaines de propositions sont formulées, jusqu’à parvenir à des sanctions « modestes » : l’expulsion de 35 diplomates russes soupçonnés d’espionnage, la fermeture de deux sites russes dans le Maryland et à New York, et quelques sanctions économiques symboliques. Rien comparé aux sanctions prononcées par les États-Unis et l’Europe contre ce même pays après l’intervention en Ukraine, s’indignent certains dignitaires américains.
Le Washington Post souligne tout de même une mesure plus insidieuse, dont il est « difficile de mesurer l’impact » : Obama a mis en place une « cyber-arme », qui inclut le « déploiement d’ ‘implants’ dans les réseaux russes jugés importants par l’adversaire ». Même si Michael Mc Faul estime que la « punition n’est pas à la hauteur du crime », encore faudrait-il savoir de quelle manière cette cyber-arme peut être utilisée.
Immédiatement après l’annonce de ces sanctions, en décembre 2016, Donald Trump avait fait savoir à l’ambassadeur russe qu’elles seraient révisées. Mais pour le moment, rapporte le Washington Post, le nouveau Président ne semble pas avoir contre-carré les décisions que l’administration Obama a élaborées au fil de longs mois.
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