Ambient, footwork, techno expérimentale, tendances pop et délires bruitistes : il y a de tout dans notre bilan de mi-année.
2017 s’annonce d’ores et déjà comme une très grande année en ce qui concerne les musiques électroniques. Ces six derniers mois, Kelly Lee Owens a livré un premier disque sublime, Jlin nous a mis une claque avec son néo-footwork, et Perc s’est lancé dans de nouvelles expérimentations techno pendant que Maud Geffray et NSDOS nous ont fait voyager dans le Grand Nord… De son côté, Arca à sorti un nouveau LP, dont on ne s’est pas encore remis. On fait le point à mi-parcours.
1. Arca Arca
Après deux albums expérimentaux purement électroniques, le producteur vénézuélien accompagne pour la première fois ses compositions avec sa propre voix, dont les imperfections exsudent un parfum poétique et enivrant. Il signe ici son disque le plus intime, qui nous plonge dans des vertiges de mélancolie aux accents tragiques et sensuels ; le tout segmenté par les bruitages-signature du producteur, qui évoquent une violence froide et aveugle. Parfait contraste avec l’innocente fragilité des parties chantées. Une œuvre complexe, sublime, et torturée ; le genre de dique qui résiste aux années et marque l’histoire de la musique.
2. Maud Geffray Polaar
Premier album en solo de la moitié de Scratch Massive, Polaar a été inspiré à la productrice française par un voyage en Laponie, au fin fond de la Finlande. Planant et entraînant, il comprend douze morceaux qui se fondent harmonieusement les uns dans les autres, bien qu’ils possèdent chacun leur univers propre, de Voices from the Sky et ses envolées electronica à la trance glaçante de High Side, en passant par In Your Eyes, une aventure électro-pop en feat. avec Flavien Berger.
3. Kelly Lee Owens Kelly Lee Owens
Difficile de croire que c’est seulement son premier album. Avec Kelly Lee Owens, l’artiste éponyme se révèle au grand jour avec un LP bluffant qui fluctue entre ambient, house et techno, qu’elle accompagne de sa voix éthérée et fantomatique. La Galloise l’a composé à partir de sons qu’elle a enregistrés elle-même pour la plupart, tirés de sa vie quotidienne – que ce soit le bruit d’un escalator, ou encore celui d’un essuie-glace cassé, comme elle nous l’expliquait dans cette interview. Transformer le trivial en sublime : tout un art.
4. Nathan Fake Providence
Cinq années après son dernier album, Steam Days, et après une panne créative de deux ans, le producteur anglais a retrouvé l’inspiration grâce à un synthé Korg Prophecy acheté sur un coup de tête, avec lequel il a composé une grande partie de son nouveau disque. Un instrument basique, voire cheap, mais dont les aspérités drainent une puissance émotionnelle qui confère toute sa force à l’album.
5. NSDOS Intuition Vol. 1
L’ancienne signature du label parisien ClekClekBoom a effectué une série de voyages en Alaska depuis 2016. Il y est resté un mois et demi, pour y enregistrer des sons au gré de ses explorations et les a ensuite triturés et assemblés depuis son studio mobile. Parsemé de dissonances, ce premier album de six morceaux démarre sur une intro lumineuse et trompeuse qui mène vers des mélodies plus agressives (Distraction, Translation), et des tracks carrément anxiogènes (Orientation, Intuition). Impossible de rester de glace.
6. Kingdom Tears in the Club
Avec son premier LP, le fondateur du label angeleno Fade To Mind continue d’inventer la musique de club d’un futur dystopique, en pleine décadanse. On y retrouve des pépites purement électroniques (Tears In The Club, Nurture World), aux côtés de morceaux R’n’B très réussis, dont Ezra Rubin signe la production sans dénaturer son style. Parmi eux : Nothin, en featuring avec Syd (du crew Odd Future), What is Love avec la diva SZA, ou encore Breathless, sur lequel on retrouve le talentueux Shacar.
7. Perc Bitter Music
Alistair Wells, alias Perc, continue à réinventer la techno avec son troisième disque Bitter Music, ébranlé d’un bout à l’autre par des sonorités noise et indus, quand il n’est pas transpercé par des cris de femme (Spin). Le producteur britannique répète à longueur d’interviews que le climat politique de son pays imprègne son geste artistique et infuse sa musique. Le Brexit ne lui a visiblement pas inspiré beaucoup de clémence…
8. Actress AZD
Après l’excellent Ghettoville sorti chez Ninja Tune en 2014, Actress revient avec AZD, un cinquième disque futuriste. Il s’inscrit dans la veine introspective du producteur anglais, bien qu’il s’agisse de son disque le plus dansant, parsemé de petites merveilles de techno funky comme X22REME ou Untitled 7.
9. Jlin Black Origami
Quand elle compose un morceau, Jlin ne revient jamais en arrière pour en affiner la structure. On comprend mieux l’impulsivité que dégage ce deuxième album néo-footwork, dont les lignes de batteries sont autant de salves tirées par la productrice originaire de l’Indiana, dans le Nord des Etats-Unis. Avec Black Origami, elle signe une œuvre qui évoque l’expressionnisme abstrait ; comme une transposition sonore de la fougue d’un Jackson Pollock, qui n’aurait plus que du noir et des nuances de gris métallique dans sa palette.
https://www.youtube.com/watch?v=CQr2XOTd6ys
10. Casual Gabberz Inutile de Fuir (compilation)
Le collectif de DJs Casual Gabberz organise des soirées à Paris depuis 2013. En février dernier, il a sorti un album de 51 tracks sur lequel on retrouve une quarantaine de producteurs, à qui il a demandé de produire au moins un morceau, avec des influences gabber, hardcore, doom ou encore jumpstyle. On y retrouve Panteros 666, Voiron, Boe Strummer, Canblaster, Evil Grimace, Detente, Aamourocean, Aprile, et bien d’autres, qui réinventent ces différents styles en y mêlant leur ADN musical propre. Le disque sert aussi de BO au documentaire expérimental qui a accompagné sa sortie, réalisé par Kevin Elamrani-Lince. Inutile de fuir, on vous dit.
https://www.youtube.com/watch?v=wWkL_fL2IUw
11. Superpoze For We The Living
Inspiré par les discours eschatologiques et la menace d’une catastrophe naturelle, le producteur originaire de Caen tisse des compositions électroniques contemplatives, élégantes et mélancoliques. Les premiers morceaux sont plutôt lumineux, jusqu’à la track charnière Thousand Exploding Suns, qui marque l’apogée de l’apocalypse, et laisse derrière elle une désolation calme qu’on parcourt sur les quatre derniers titres.