Mogwai jouait hier dans le magnifique Trianon : désormais vétéran, le groupe ne s’est pas assagi, il a simplement appris à mieux mettre en valeur les beautés sidérantes de ses morceaux. Impressions.
Classique désormais des concerts Parisiens de Mogwai, quelques virils garçons beuglent, à quelques mètres de nous des « Plus fooooort ! » véhéments. On les comprend, on les comprends un peu. On aimerait tous, d’une certaine manière, revenir quinze ans en arrière, quand on voyait le groupe pour la première fois sur scène, fin 1997, dans le petit Ubu à Rennes. Quand il décapait au-delà de la moelle épinière, quand le mythe parlait encore de garçons finissant par saigner des oreilles, de baston avec les ingénieurs de salles trop timorées. On aimerait tous retourner au Luna Park post-ado, revoir les bastons à coups de décibels dans les allées sombres, remonter dans les manèges qui retournent le bide jusqu’à la nausée, les train-fantômes où l’enfer surgissait sans prévenir, où le sursaut horrifiant guettait à chaque coin de seconde. Sauf que : c’était il y a 14 ans. On est presque vieux, maintenant. Mogwai aussi a grandi. La young team a même, mot bizarre les concernant, mûri : c’est leur droit le plus évident, et c’est surtout dans la logique des vies.
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De l’Ubu tectonique au Trianon magnifique, le groupe s’est donc, tranquillement, année après année, bouleversé –bonheur des uns, regrets éternels des autres. Pourtant ultra-tendus sur leurs instruments, avec un Stuart à l’étrange maigreur, ils jouent plus relâché, plus intelligemment. Comme le footballeur vieillissant, qui compense sa décrépitude athlétique assumée par une connaissance bien plus intime des rouages de sa discipline. Les contrastes sont marqués différemment, ses explosions sont moins volcaniques, et on a changé nos passions d’épaule : c’est quand le groupe tisse sa soie la plus délicate, dans un quasi-silence de cathédrale, qu’on plonge le plus profondément.
Quand il joue Xmas Steps, les parties lentes et restent étendues mais, au bout du bout du suspens et avant le retour du paisible après le coup de grisou, les rugissements semblent presque expédiés ; et il n’y a rien de frustrant là-dedans. Le Trianon n’a pas trop tremblé. Mais il a vu passer énormément de beautés. Des trucs moins durs, mais plus redresse-poil encore que les déflagrations stellaires et certains chiaroscuri trop attendus du passé –sans mentir, on a même cru parler à un fantôme adoré quand les Ecossais ont repris le vieux et toujours splendide New Path to Helicon I, joué Auto Rock les morceaux du dernier et fantastique Hardcore Will Never Die, But You Will, fait un peu plus bouger les chairs avec Mexican Grand Prix ou bouleversé les âmes avec Rano Pano. La fin du monde peut désormais venir : pour l’avoir contemplée hier soir dans ses splendeurs plus que dans ses angoisses, elle ne nous fait plus peur.
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