Précarité de l’emploi, explosion des loyers, aides inadaptées : les jeunes sont les premiers touchés par le mal-logement.
Quand le gouvernement passerat-il aux actes et cessera-t-il sa politique inflationniste en matière de logement ? » Chez Julien Bayou, animateur du collectif Jeudi noir, comme chez les autres défenseurs des mal-logés, l’impatience grandit. La condamnation récente d’un groupe d’étudiants à verser plus de 80 000 euros au propriétaire d’un logement vacant rue de Sèvres à Paris, qu’ils avaient occupé illégalement pendant un an, n’arrange rien.
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Le rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement, rendu public en février 2011, déplore qu’aujourd’hui « l’état de jeunesse n’apparaisse plus comme une période de transition vers une stabilité et une sécurité mais davantage comme une période permettant d’apprendre à vivre sous la menace permanente de la précarité ». Des mots crus pour prendre la mesure d’une réalité élargie désormais aux classes moyennes.
65 euros le mètre carré
Pour les huit millions de jeunes concernés (étudiants et jeunes actifs),la crise économique a largement contribué à dégrader la situation. Selon les chiffres publiés début mars par l’observatoire Clameur (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), les loyers ont augmenté en moyenne de 3,2 % par an entre 1998 et 2010, soit davantage que les prix à la consommation. Les microsurfaces (inférieures à 12 mètres carrés), notamment dans la capitale, cristallisent les problèmes. La demande est très forte et les loyers ne sont pas encadrés à la relocation.
Ces chambres de bonnes, souvent abusivement appelées studettes dans les petites annonces, atteignent parfois plus de 65 euros le mètre carré à Paris alors que la moyenne nationale pour ces surfaces est de 16,40 euros le mètre carré. Selon la dernière étude de l’Insee publiée en 2006, le taux d’effort pour le logement (c’est-à-dire le rapport entre les ressources et le loyer) est de 22 % pour les moins de 25 ans, ce qui en fait la classe d’âge qui dépense le plus pour se loger.
Parallèlement, les résidences étudiantes ou les foyers de jeunes travailleurs manquent de places. Emmanuelle Cosse, vice-présidente du conseil régional d’Ile-de-France chargée du logement et membre d’Europe Ecologie-Les Verts, indique qu’“en 2007, il y avait 8 places pour 100 étudiants dans les résidences sur le territoire et seulement 4 pour 100 à Paris”. “Il y a un énorme effort à faire sur la construction”, insiste-t-elle.
Une situation qui menace les études
Pour la Fondation Abbé-Pierre, cette crise du logement chez les jeunes a des “effets sociaux en cascade parfois irréversibles”. Cette nouvelle forme de nomadisme urbain entraîne parfois l’abandon des études supérieures (on compte 160 000 décrocheurs chaque année, selon le ministère de l’Enseignement supérieur) et plus rarement des cas de prostitution, comme une forme extrême de système D qui viendrait pallier l’absence de réponse publique.
“Malheureusement, la politique du logement n’a jamais été une priorité ces trente dernières années, analyse Nathalie Perrin-Gilbert, secrétaire nationale en charge du logement au Parti socialiste. La gauche comme la droite n’ont pas su anticiper les évolutions de la société. La hausse des divorces et l’augmentation du nombre d’étudiants ont, par exemple, des conséquences directes sur le mal-logement.”
Des logements pour les apprentis
En février dernier, le PS a lancé un appel “pour une autre politique du logement”. Il propose la construction de logements sociaux à des prix abordables, l’inventaire des logements vacants ou encore l’encadrement des loyers du parc privé. “J’entends les ‘y a qu’à…, faut qu’on…« , les Bisounours et les discours à la miss France sur la faim dans le monde, réplique Benoist Apparu, secrétaire d’Etat chargé du Logement interrogé par Les Inrockuptibles. Mais il faut savoir ce qui est efficace.”
M. Apparu rappelle que Lionel Jospin avait déjà réalisé un inventaire des logements vides : “Il en avait identifié 100 000 et, au final, moins de 100 ont été réquisitionnés.” Distinguant l’encadrement global des loyers et l’encadrement à l’augmentation, le secrétaire d’Etat assure qu’il est “totalement défavorable” à la première solution. D’après lui, une telle mesure entraînerait “une lourde crise du marché locatif dans les dix ans”. “Continuons à charger la barque des propriétaires et ils iront investir ailleurs !” ajoute-t-il.
Interrogé sur les mesures prises en faveur des jeunes, il rappelle que les objectifs du rapport Anciaux (du nom du député UMP rédacteur du document) sur le nombre de logements étudiants ont été tenus, souligne qu’il a réussi à donner une plus grande souplesse au parc social (colocation et sous-location possibles) et indique que 250 millions d’euros tirés du grand emprunt serviront au financement de logements pour les apprentis.
Ce mardi 8 mars, il recevait au ministère les organisations professionnelles de l’immobilier et les associations de bailleurs pour évoquer le problème des microsurfaces et de leurs loyers trop élevés. Il assure que le gouvernement annoncera des mesures dans les prochains jours. Une réunion de travail où n’était pas conviée l’association Jeudi noir, qui réclame un rendez-vous au ministre depuis six mois.
Simon Piel
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