Les Solitaires de Tim Lane sont autant de personnages qui errent sur les routes des USA. Un recueil remarquable où s’entrecroisent des récits qui montrent l’envers du rêve américain.
Auteur et illustrateur de Saint-Louis (Missouri), Tim Lane s’intéresse à une autre Amérique, celle des marges et des laissés-pour-compte. Les Solitaires, deuxième album à paraître en France, est un très ambitieux recueil dans lequel différents récits se mélangent, entrecoupés d’histoires courtes indépendantes. Tous ont en commun le thème de la route, de l’errance, du voyage – les références à Kerouac et Wolfe sont nombreuses.
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Les protagonistes – ou plutôt leurs fantômes – se croisent parfois, arrivent et partent, ne font que passer. On y fait la connaissance de hobos sautant de train en train, d’autostoppeurs, de commis voyageurs, de bikers, de petites frappes, de dingues, d’outsiders solitaires qui partent sur les routes, en quête d’un sens à leur existence.
Cabarets sordides, hôtels borgnes, parcs d’attraction abandonnés
Ces fragments de vie donnent lieu à de petites aventures, des rencontres, des trafics louches. Dans la grande tradition des pulps et du roman noir dans laquelle Tim Lane s’inscrit indéniablement, le mystère est partout, dans ces cabarets sordides, ces hôtels borgnes, ces parcs d’attraction abandonnés, ces arrière-cours désertes, ces trains, sous les ponts…
Dans Les Solitaires, les textes et les images se complètent, s’entrechoquent, pour mieux raconter l’envers du rêve US. Passant à la moulinette l’Amérique, ses mythologies et sa pop culture, Tim Lane joue sans cesse avec les formes d’écriture, les mises en page.
Un fabuleux dessinateur des ouvrages urbains
Dans de superbes planches dépliables, à la limite de l’infographie, il détaille quelques points marquants de l’histoire populaire des Etats-Unis : les Harley Davidson, les ovnis, la guerre froide… Un carnet intime, des textes dactylographiés, des fausses pubs, des poupées à découper (les membres des Temptations !) s’ajoutent aux récits.
Les corps et les visages souvent cabossés des personnages, torturés, suants, déformés, apeurés, font penser à Charles Burns – les deux auteurs partagent l’influence marquante des EC Comics des années 1940-1950. Tim Lane est aussi un fabuleux dessinateur des ouvrages urbains (voies ferrées, ponts, buildings…) et des engins mécaniques (avions, motos…), faisant ainsi de ces décors des éléments cruciaux des récits.
Et peu importe si certaines histoires n’ont pas vraiment de fin. Il suffit de vagabonder de page en page pour tomber sous le charme de cet hommage à l’Amérique lynchienne et à ses routes pas toujours très bien fréquentées. Anne-Claire Norot
Les Solitaires de Tim Lane (Delcourt), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Nicolas Bertrand, 296 p., 29,95 €
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