Purple Rain, c’est aussi une immense tournée américaine, qui restera dans les mémoires des près de deux millions de personnes ayant assisté à l’un des shows orgasmiques du Kid de Minneapolis.
First Avenue club, Minneapolis, le 3 août 1983. La scène est baignée de violet, quand la jeune guitariste Wendy Melvoin gratte les accords d’ouverture de Purple Rain. Durant les cinquante minutes qui ont précédé, Prince a saupoudré ce gig “impromptu” des nouveaux titres qu’il répète inlassablement avec The Revolution, ce groupe dont il a accolé le nom au sien sur la pochette de l’album 1999. Let’s Go Crazy, Computer Blue, I Would Die 4 U, Baby I’m a Star… des titres joués pour la première fois en public et que Prince a pris soin de faire enregistrer live sur la console d’un studio mobile loué pour l’occasion.
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Les treize minutes qui suivent l’intro de ce blues écorché appartiennent à l’histoire. Elles seront éditées puis gravées à plus de 20 millions d’exemplaires, en single puis sur l’album du même nom. Avec Purple Rain, Prince affiche une couleur, le violet, et une ambition : devenir le “best performer in show business”, comme James Brown avant lui.
Alors que disque et film sont propulsés au firmament des charts, une tournée américaine est lancée le 4 novembre 1984 à Detroit, à la Joe Louis Arena. Elle s’achèvera à l’Orange Bowl de Miami, le 7 avril de l’année suivante. Entre les deux, des chiffres vertigineux : nombre de dates (111), nombre de spectateurs (1,7 million)…
Sur scène, vinyle ou celluloïd, Purple Rain fait l’effet d’une tornade. Il faut dire que Prince a bien fait les choses. La setlist fait la part belle aux chansons de l’album qui s’enchaînent dans l’ordre du disque, à un titre près (The Beautiful Ones). Sur cette scène à la déco baroque, vêtu de dentelle et de jabots, entre Jimi Hendrix et les “nouveaux romantiques”, il est chez lui. Il brandit sa guitare comme un étendard. Félin, il rugit, bondit, passant du piano aux percussions, enchaînant grands écarts et pas de danse chorégraphiés.
Dérailler selon l’humeur
Dans l’entrelacs millimétré de ses arrangements, Prince s’est aménagé un espace bien à lui. Ici en chef d’orchestre, là en soliste, il prend un plaisir manifeste à faire dérailler selon son humeur la rutilance des séquences. Sur certaines dates, Controversy ou 17 Days (une face B) sont placés en ouverture, avant Let’s Go Crazy, comme pour rappeler qu’il n’est pas l’homme d’un album, aussi célébré soit-il.
https://www.youtube.com/watch?v=z_EhH7dN4E8
A mi-chemin, alors qu’il tape la causette avec Dieu – une séquence qui tient lieu d’interlude et offre au public un rare répit dans ce maelstrom sonore entre électricité (guitares, basse, piano) et électronique (batteries, synthés) –, Prince improvise parfois jusqu’à une trentaine de minutes, lançant seul au piano des titres de son répertoire (Head, Still Waiting…) que le groupe finit par orchestrer.
Resservir chaque soir les mêmes plats n’est pas son truc
Comme les pères de la Fédération taillés dans la montagne, le finale est un roc, un monument d’extravagance. Les versions guitar hero de Purple Rain culminent souvent au-delà des vingt minutes, points d’orgue liturgiques de représentations qui l’ont vu l’instant d’avant chausser les bottines de James Brown sur Baby, I’m a Star, vingt minutes là encore d’un déluge funk débridé jusqu’à l’excès.
Excès, voilà sans doute le mot-clé de cette tournée que Prince finit par prendre en grippe, refusant la juteuse proposition de tailler les routes européennes. En live, Prince en a soupé de son Purple Rain, jusqu’à l’indigestion. Resservir chaque soir les mêmes plats n’est pas son truc. Il déclarera même vouloir arrêter de se produire en concert après cette tournée.
Le 23 février 1985, à Los Angeles, devant Madonna, Bruce Springsteen et un public médusé, Prince joue pour la première fois Raspberry Beret et America, dans une version longue de près de quinze minutes. Les deux titres figureront sur Around the World in a Day, le successeur de Purple Rain. Septième album publié le 7 avril 1985, moins de deux semaines après la fin de la tournée. Enfin libre.
à lire Prince, le cygne noir d’Alexis Tain (La Découverte), 240 pages, 17 €
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