Les légendes naissent parfois au bout d’un quai. Avril 1990, station Châtelet, Alain Kan prend le métro et s’évanouit dans la nature sans que personne ne retrouve plus jamais sa trace. Mort ? Suicidé ? Evaporé dans un ultime transformisme ? Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert , titre de son premier album, aujourd’hui […]
Les légendes naissent parfois au bout d’un quai. Avril 1990, station Châtelet, Alain Kan prend le métro et s’évanouit dans la nature sans que personne ne retrouve plus jamais sa trace. Mort ? Suicidé ? Evaporé dans un ultime transformisme ? Et Gary Cooper s’éloigna dans le désert , titre de son premier album, aujourd’hui réédité en compagnie de deux autres dans un beau coffret, délivre peut-être une clé : Kan, cow-boy urbain alors en plein désert affectif et artistique, ?éloigné? volontaire pour mieux survivre, sur-vivre ? La légende, donc.
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Le présent coffret contient trois albums publiés respectivement en 75, 76 et 79, un tiercé perdant commercialement mais assez réjouissant à redécouvrir malgré l’empreinte assez profonde que cette époque outrancière y aura laissée. Alain Kan, au milieu des années 70, évoque le Higelin contemporain de BBH75, enregistre comme lui au château d’Hérouville ? studio forteresse de toute l’aristocratie rock débauchée, encore embué et odorant du passage de Bowie et des Stones.
Entre free-rock parcouru de spasmes ? Ma solitude, qui reprend les choses où Ferré les avait crachées ?, proto-punk calciné, rétrogradation rhythm’n’blues ou cabaret pour véroles mondaines, l’ensemble ne laisse pas l’estomac tranquille. L’ironie désespérée d’un second album intitulé Heureusement en France on ne se drogue pas, vite interdit sous Giscard à cause d’un morceau (Speed My Speed) constitué de noms de médicaments, témoigna un peu dans le désert des scléroses qui persistaient bien après 68. Sur le même album (le meilleur des trois), on s’étonne de découvrir un Dracula dont l’ambiance rappelle étrangement le Champagne d’Higelin, éventé trois ans plus tard.
Ami du Tout-Paris interlope ? Dani, Pacadis, Darc, Eudeline ?, Alain Kan, bombe à neutrons ascendant comète, n’aura de toute façon jamais manifesté de velléité carriériste, préférant le présent consumé, la vitesse de la lumière, au boulier morne des points retraite. Lorsqu’il reprend Piaf, dans un bastringue de gazouillis synthétiques, c’est frontalement le thème de la folie qui s’invite entre les tables des noceurs punks (Les Blouses blanches). Un troisième album au titre prémonitoire, What Ever Happened to Alain Z. Kan, évoque lointainement le funk mutant new-yorkais de l’époque (James Chance, la clique de Ze Records), avec en ouverture un genre d’autoportrait générationnel cinglant (Clichés) qui file droit vers l’impasse. Il force alors gravement le trait décadent, Velvet froissé et Ziggy dans le métro, annonce clairement Daniel Darc et rappelle Le Beau Bizarre de Christophe en plus vociférant.
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