Hal Hartley joue au petit chimiste avec les composants de ses précédents films : un joli liquide translucide et inodore. Le nouveau film d’Hal Hartley se présente comme un exercice de style : à New York, Berlin, puis Tokyo, c’est la même histoire, la même trame dramatique filmée à trois reprises. Un couple doit décider, […]
Hal Hartley joue au petit chimiste avec les composants de ses précédents films : un joli liquide translucide et inodore.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le nouveau film d’Hal Hartley se présente comme un exercice de style : à New York, Berlin, puis Tokyo, c’est la même histoire, la même trame dramatique filmée à trois reprises. Un couple doit décider, dans l’urgence, de se faire ou de se défaire, selon l’engagement de l’Un pour l’Autre, de l’Un pour les autres… Soit : A et B s’aiment ; A demande à B un engagement dans leur couple, mais la réponse de B est suspendue à une aventure possible avec C, lui-même lié à D. A partir de cette hypothèse quasi mathématique, Hal Hartley fait varier les lieux et les personnages, et observe tel un chimiste les réactions de ces éléments entre eux. Malheureusement, ces variations restent anecdotiques, superficielles à l’image du flirt et invalident la démonstration : les questions de l’engagement, du désir, de l’honnêteté sont déshumanisées, désincarnées, elles apparaissent dans un jeu abstrait et vain et le choix de personnages stéréotypés (le couple homosexuel arty et branché, le couple japonais silencieux et névrosé, chacun dans des villes-clichés) ne fait qu’accentuer cette impression de gratuité. On ne ressent pas vraiment de nécessité dans ces trois épisodes : tout est interchangeable et l’évolution dramatique ne semble pas conditionnée par la présence de tel ou tel élément, mais plutôt par le seul volontarisme du réalisateur, perdant ainsi de sa cohérence et de sa force de conviction.
Bien sûr, dans cet exercice qu’est Flirt, on retrouve le style d’Hartley, si impressionnant dans son premier film, The Unbelievable truth : les dialogues réduits à l’essentiel, la chorégraphie des corps (approfondie ici dans l’épisode japonais grâce au travail avec le chorégraphe Yoshito Ohno), le goût pour la stylisation… Mais une grande lourdeur vient peser sur l’ensemble et détraquer cette mécanique : la répétition du dialogue dans les trois épisodes est rapidement irritante, au point que les acteurs fétiches d’Hartley en sont ternis, et les symboles appuyés comme la présence de trois générations de femmes japonaises dans un commissariat, avec leurs codes attendus de vêtements et de langage sont autant d’obstacles à l’attention du spectateur. Ce qui faisait la force des premiers films d’Hartley devient ici une faiblesse. Le style s’est mué en tics. Le regard lucide, généreux et plein d’humour a fait place à un regard trop conscient de lui-même : Hal Hartley, metteur en scène, filme Hal, personnage de l’épisode de Tokyo, qui perd puis retrouve finalement une bobine de son film étiquetée Flirt, ou encore, à Berlin, cette équipe d’ouvriers qui dissertent sur le film en train de se faire, orientant ainsi sa lecture, et constatent que « le réalisateur a déjà échoué » comme la chronique d’un échec annoncé. A trop vouloir baliser et signifier, on perd le sens de vue.
{"type":"Banniere-Basse"}