Il y a toujours quelque chose de désolant à bégayer sa colère. Pourtant, refrain connu mais justifié, il faut bien avouer que le cinéma transalpin est fort mal barré ces temps-ci, exception faite de l’inévitable Nanni Moretti, arbuste barbu qui camoufle un désert créatif à peu près total. Hasard du calendrier ou lame de fond […]
Il y a toujours quelque chose de désolant à bégayer sa colère. Pourtant, refrain connu mais justifié, il faut bien avouer que le cinéma transalpin est fort mal barré ces temps-ci, exception faite de l’inévitable Nanni Moretti, arbuste barbu qui camoufle un désert créatif à peu près total. Hasard du calendrier ou lame de fond révélatrice, sort actuellement une série de films italiens consacrés aux cinéastes essentiels du valeureux pays. Quelques semaines après le grave Pasolini mort d’un poète de Marco Tullio Giordana, nous voici confrontés à un nouvel objet corsé qui n’est pas loin de ressembler à un cauchemar. D’abord, une mise au point : contrairement à ce que son titre pourrait laisser croire, Remake Rome ville ouverte n’est pas un remake du Rome ville ouverte de Roberto Rossellini. Non, le machin de Carlo Lizzani emprunte à la fois les structures tarte à la crème de la pseudo-modernité et, plus sûrement, la défroque esthétique des sitcoms cathodiques. L’idée de Lizzani consiste à se replonger dans la gestation du film mythique en essayant de montrer comment Rossellini, ses collaborateurs et ses acteurs ont donné naissance au chef-d’œuvre que l’on sait. Passant de l’anecdote à l’extase créatrice, slalomant entre la grande histoire sentimentale (Roberto aime la Magnani) et la théorie en acte du grand homme (de loin les apartés les plus comiques), le film met en scène des acteurs d’aujourd’hui jouant les acteurs et les techniciens de l’époque ; ces images-là s’entremêlent à quelques inserts du film originel, histoire que l’on pige bien de quoi il retourne. Le tout émaillé de moments hautement conceptuels, comme quand le faux Roberto et ses amis, en transe imaginaire, pénètrent les images du film à venir reconstituées pour l’occasion par Lizzani. L’intérêt de tout cela est quasiment nul, tant d’un point de vue historique que psychologique ou, a fortiori, cinématographique. Formellement, le présent film est absolument contradictoire avec la manière rossellinienne, ce qui constitue tout de même un contresens problématique. Ici, tout respire la reconstitution léchée et académique, l’artificiel total, le professionnalisme las, la conviction zéro. On sort de là accablés en songeant, rien que pour nous faire du mal, à ce que pourrait donner un Remake A bout de souffle signé Arcady ou un Remake La Règle du jeu réalisé par Alexandre Jardin. Assurément pas pire que Remake Rome ville ouverte.
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