Avant d’être le présentateur de télévision et l’écrivain que l’on connaît, Jean Teulé a d’abord été auteur de bandes dessinées. C’est de ce registre-là, et plus précisément de la ligne claire, que se rapproche le plus son film : découpage très soigné, présence des couleurs, naïveté du récit, personnages stylisés. Mais ce qui fait l’originalité […]
Avant d’être le présentateur de télévision et l’écrivain que l’on connaît, Jean Teulé a d’abord été auteur de bandes dessinées. C’est de ce registre-là, et plus précisément de la ligne claire, que se rapproche le plus son film : découpage très soigné, présence des couleurs, naïveté du récit, personnages stylisés. Mais ce qui fait l’originalité d’un univers en deux dimensions peut se transformer en limite dès lors qu’on est au cinéma. En adaptant son propre roman, éponyme et salué en son temps par la critique, Jean Teulé a dû y penser. Sa mise en scène est truffée de bidouillages formels censés animer un film risquant de n’être que plate illustration. Ainsi, l’hommage à Rimbaud est en particulier rendu par l’utilisation d’une couleur différente pour chacun des pays visités. Les passages à Charleville-Mézières baigneront dans des tonalités rouges, Paris dans l’orange, l’Egypte dans le jaune, l’île Maurice dans le vert… La mélodie composée par François Hadji-Lazaro est jouée à chaque endroit dans le style local : fanfare municipale à Charleville, accordéon à Paris, musique africaine au Sénégal… Le format du film lui-même passe du super 8 au 16, puis au 35, puis au 35 scope anamorphosé, puis retourne au 16 pour finir en super 8. Ainsi, selon la note d’intention, « le film éclôt comme une fleur, s’épanouit puis se fane ». Las, toutes ces fioritures ne parviennent pas à effacer la déception. Titrer Rainbow pour Rimbaud, c’était à coup sûr créer une attente. Mais les références au poète se réduisent systématiquement à des gadgets. On cherche alors ailleurs des raisons de s’accrocher, mais elles se dérobent l’une après l’autre. Les acteurs ne jouent pas, ils figurent des personnages figés dans le stéréotype (Michel Galabru en père râleur, Bernadette Lafont en mère fofolle, Farid Chopel en émir cupide…). Les « bons mots » passent difficilement la rampe. Reste alors le squelette de l’intrigue : l’histoire d’amour entre Isabelle (« Je me prends pour un buisson d’aubépine ») et Robert (« Je me prends pour Rimbaud »). Mais là aussi, l’intérêt s’effiloche inexorablement. Après avoir amusé un moment, les couleurs criardes qui envahissent l’image finissent pas soûler. Et les maladresses de mise en scène s’accumulent trop pour passer inaperçues. Sous tout ce fatras, on sent une sensibilité. Mais elle est cette fois trop éloignée pour nous toucher.