Raymond Depardon revient sur les lieux de ses premiers exploits, de ses premières douleurs et de ses premières découvertes. A mesure qu’il traverse le continent africain, il retrouve les lambeaux de sa propre histoire. En même temps qu’il fait le constat d’une dégradation continue de la situation, il inscrit sur la pellicule ses doutes et […]
Raymond Depardon revient sur les lieux de ses premiers exploits, de ses premières douleurs et de ses premières découvertes. A mesure qu’il traverse le continent africain, il retrouve les lambeaux de sa propre histoire. En même temps qu’il fait le constat d’une dégradation continue de la situation, il inscrit sur la pellicule ses doutes et ses progrès. Autant que le piège de la belle image, il craint d’avoir trop ou pas assez de certitudes. Son film sera donc une question de distances il lui faudra trouver la bonne. La brève rencontre avec Nelson Mandela livre la clé de cette démarche singulière. Face au respect que lui inspire cet homme, au trop-plein de questions à lui poser, Depardon choisit le silence. Il prend le risque d’être accusé d’impuissance et de gâchis journalistique pour saisir un Mandela immobile et muet, impressionnant de force et de tranquillité. C’est là que réside toute la beauté du film, dans cette manière de ne pas reculer devant l’obstacle à franchir, de le prendre de front avec ses moyens, même maladroitement au lieu de le contourner pour passer à autre chose. Au travelogue habituel du film de voyage, Depardon substitue un autre parti pris de filmage. Il inscrit sa caméra et son corps d’étranger dans le paysage. Littéralement, il les plante. Ses panoramiques à 360° deviennent la meilleure traduction, la seule possible, de sa position de cinéaste. Ainsi, il laisse venir à lui deux ou trois choses qu’il sait de l’Afrique. Il recommence le patient travail d’immersion plutôt que de le considérer comme un acquis sur lequel il pourrait s’appuyer. Ce faisant, il prend tous les risques, même celui d’échouer face à l’opacité de l’image. Et, quand il se produit (pas souvent…), cet échec apparent devient magnifique d’humilité et d’intelligence. Le reproche qu’on peut faire au film est de tenter de rattraper par le commentaire off ce que le filmage fait mine d’abandonner. A la retenue des plans correspond une accumulation de statistiques terrifiantes sur l’état du continent. Depardon a beau ne pas être dupe de cette litanie, il s’en sert pour nous fournir l’information qu’il croit nécessaire. Or, tout cela (le nombre de morts, l’endettement, les guerres sans fin…) est déjà contenu dans l’image, partout et nulle part à la fois. Depardon pèche par modestie, oublie qu’il est un grand cinéaste du muet et que ses images n’ont pas besoin de béquilles.
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