Un écran blanc. Une scène de film muet où un homme en chemise de nuit hésite entre deux personnages incarnant la vie et la mort, une mygale, une forêt enneigée, des mains que l’on cloutent, la bouche d’un homme plein écran et un enfant qui touche d’immenses photos d’une femme projetées sur un mur… Ce […]
Un écran blanc. Une scène de film muet où un homme en chemise de nuit hésite entre deux personnages incarnant la vie et la mort, une mygale, une forêt enneigée, des mains que l’on cloutent, la bouche d’un homme plein écran et un enfant qui touche d’immenses photos d’une femme projetées sur un mur… Ce sont les symboles ou les images du fantastique paysage mental que Bergman met en œuvre dans ce film. A priori, tout est donné à voir dans les quelques plans qui précèdent la fiction et qui ne sont que des clés de celle-ci. Ces plans quasi subliminaux sont déversés par un montage brutal plongeant d’emblée le spectateur dans un abîme, à la même vitesse que les personnages. Le scénario tient en deux phrases. Une infirmière prend en charge une actrice qui ne veut ou ne peut plus parler. L’intimité entre ces deux femmes devient telle qu’elles se superposent, comme on le dirait de deux droites. Elles ne font plus qu’une. « Ton rêve, c’est être, pas agir, être. Constamment consciente, vigilante. Et c’est cet abîme qui sépare ce que tu parais de ce que tu es » : cette phrase est l’essence même du film, une mise en abyme de la fiction, celle que construit Bergman sur notre croyance et sur celle des deux femmes. La première partie est celle du chemin de la connaissance, celui qu’emprunte l’infirmière pour se dévoiler à « sa malade », comme si cette dernière était la véritable soignante ; la seconde partie est celle du chemin de la fusion, là où les deux femmes ne forment qu’une seule et même entité. La rupture s’opère quand l’infirmière disjoncte et qu’à l’image, son visage saute et disparaît comme si la pellicule brûlait. Persona est réalisé comme s’il était le film d’un observateur caché ; et pourtant, de temps à autre, un regard caméra nous met dans cette position de spectateur/acteur, celle-là même de l’histoire qui se déroule sous nos yeux. La coupure du cordon ombilical qui relie les deux personnages (et nous au film) intervient autour d’une discussion sur la mise au monde d’un enfant, en d’autres termes, sur la création. On se croirait dans un film d’Antonioni monté par Resnais : le même discours est filmé tour à tour du point de vue des deux femmes, jusqu’à ce que l’image superpose les visages et les confonde. La fiction s’arrête alors quand commence la réalité, c’est-à-dire la fin du film. Persona laisse comme une allée d’arbres à l’automne : nus, mais toujours debout.
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