Les efforts d’un jeune policier noir pour s’intégrer : bonnes intentions mais mise en scène plate.
Les nouvelles du cinéma noir américain sont chaque jour de plus en plus mauvaises. Près de dix ans après l’élan décisif imprimé par Spike Lee au moment de Do the right thing, force est de constater que cette génération spontanée de cinéastes noirs, la plus brillante et la plus foisonnante de toute l’histoire du cinéma américain (les Robert Townsend, Charles Lane, frères Hudlin, Bill Duke), s’est égarée sur les routes trop prévisibles des grands studios, pour se fourvoyer dans des comédies médiocres n’intéressant plus grand monde. Le cas le plus symptomatique de cette génération perdue est bien évidemment Spike Lee, cinéaste surdoué dont le goût pour le merchandising et la tentation Farrakhan l’ont mené dans une impasse d’où il ne semble pas près de sortir. Charles Burnett représente un autre secteur du cinéma noir américain : le pôle indépendant. Comme il le disait dans une interview donnée il y a quelques années : « Je savais en faisant du cinéma que je ne mettrais jamais les pieds à Hollywood. » Raison de plus, dans le marasme actuel, d’attendre beaucoup de Glass shield, son quatrième film. Malheureusement, et malgré des intentions estimables, celui-ci donne peu de raisons d’espérer.
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J. J. Johnson est un jeune flic noir enrôlé par la police de Los Angeles. En butte au racisme sournois de ses collègues, il fait tout pour s’intégrer. Cette volonté d’intégration le pousse à couvrir l’un de ses collègues après qu’il a coffré un Black (très bien interprété par Ice Cube, le rapper convaincu que les problèmes des Noirs américains peuvent être résolus en flinguant les épiciers coréens) sur des motifs imaginaires. Lorsque ce même Black se retrouve accusé d’un meurtre qu’il n’a pas commis, J. J. dénoue les fils d’une machination policière visant à toucher une assurance-vie. Charles Burnett tient un sujet formidable entre les mains : un Noir, forcené de l’intégration, prêt à tout pour bien se faire voir de son entourage y compris mentir devant un tribunal pour protéger un collègue. Cette vision du melting-pot comme une épreuve initiatique fondée sur le mensonge est passionnante. Mais on peut douter que ce soit cette histoire-là que Charles Burnett ait voulu traiter. Au bout d’une demi-heure de film, il bifurque dans une intrigue déjà archilabourée, se concentrant sur une histoire de complot dont on se fout royalement. A ce scénario de série télé correspond une mise en scène peu inspirée, où l’on voit beaucoup de dialogues et de scènes de tribunal filmées en champ-contrechamp. S’il a des choses à dire sur la difficulté d’intégration des Noirs dans une société dominée par les Blancs, Charles Burnett manque d’un point de vue fort de mise en scène. Ce qui est dommage pour un cinéaste.
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