Série d’animation à la direction artistique réussie, “Arcane”, basée sur le jeu vidéo ultra-populaire “League of Legends”, semble séduire bien au-delà de sa fanbase, et emporte les suffrages des abonné·es Netflix.
À chaque mois son phénomène Netflix. En octobre dernier, Squid Game devenait la série non-anglophone la plus regardée de la plateforme de streaming et l’objet culturel le plus commenté sur les réseaux sociaux.
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Une hype en chassant une autre, c’est une autre série labellisée Netflix qui volait la vedette au phénomène sud-coréen à la mi-novembre. Avec pas moins de 38 millions d’heures de visionnage cumulées entre le 15 et le 21 novembre, Arcane est devenue la série la plus regardée du moment, sans même compter les 130 millions de vues atteintes en quelques heures sur Tencent Video, le site de streaming chinois, ou la diffusion en grande pompe de son premier épisode sur Twitch, que les utilisateurs de la plateforme pouvaient librement rediffuser. Une nouvelle démonstration de force du géant du streaming et de sa capacité (un brin flippante) à irriguer massivement la pop culture et les réseaux sociaux en un battement de cils.
Du jeu à la série
Il faut dire qu’Arcane avait pour elle une hype sans précédent. Annoncée dans les clameurs de fans survoltés en octobre 2019, la série basée sur League of Legends (LoL), l’un des jeux vidéo les plus populaires au monde, a su se faire désirer. Repoussée en raison de la pandémie de Covid-19, décortiquée avant même la diffusion de son premier épisode par des exégètes en herbe sur des sites spécialisés, elle avait tout pour cartonner. Mais à l’inverse de Squid Game, dont les audiences phénoménales ont suscité des critiques virulentes et charrié leur lot de controverses, Arcane semble faire l’unanimité, autant chez les fans du jeu que chez les profanes.
Si les adaptations de jeux vidéo à l’écran frôlent généralement la catastrophe, suscitant d’éternelles interrogations sur leur bien-fondé, LoL a un statut à part dans le paysage vidéoludique. Sorti en 2009, le jeu (qui se pratique uniquement en ligne) est surtout célèbre (et célébré) pour sa scène compétitive internationale.
Grossièrement, deux équipes de cinq joueurs, qui incarnent chacun l’un des 150 personnages disponibles (appelés champions), s’affrontent dans une arène avec pour objectif de détruire le camp adverse et de protéger le sien. Au fil des années, LoL s’est imposé comme l’une des références de l’e-sport, et est souvent considéré comme le jeu vidéo ayant la plus large scène compétitive au monde. Ses compétitions internationales réunissent en effet des audiences mastodontes et ses joueurs pros ont acquis le statut de stars.
C’est donc moins pour son “lore” (entendez l’univers et le background du jeu) – et encore moins pour son histoire – que pour son gameplay retors et ses compétions échevelées que LoL est devenu le phénomène qu’il est aujourd’hui. En adaptant son propre jeu en une série de neuf épisodes, le studio américain Riot Games avait tout à inventer.
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Fortiche
Si Riot Games s’est chargé de l’écriture et de la production d’Arcane, c’est Fortiche Productions, studio d’animation français basé à Paris (cocorico), qui lui a donné sa patte visuelle. Et le résultat est, il faut l’avouer, époustouflant. Hybridation organique entre de l’animation traditionnelle (dont on identifie l’aspect handmade) et de l’animation par ordinateur, Arcane a un style qui ne ressemble qu’à elle.
De quoi donner vie à l’univers steampunk du jeu, ce sous-genre de la science-fiction et de la fantasy imaginant un monde, aux propriétés souvent magiques, qui aurait connu la révolution industrielle. Une sorte de XIXe siècle fantasmagorique, d’époque victorienne généralement dystopique, saturée de cheminées fumantes et de zeppelins ombrageant le ciel, théâtre d’une lutte des classes larvée, entre révolte ouvrière souterraine et caste dirigeante autoritaire et répressive.
La série a pour décor Pitlover et Zaun, les deux faces d’une même ville ; la première constituant la partie supérieure et riche de la cité, avec son académie rutilante, son haut conseil et son corps militaire, la deuxième sa partie inférieure, bas-fonds insalubres et inhospitaliers, rongés par la pauvreté et les maladies.
Le cadre prototypique d’un univers steampunk, auquel Arcane parvient néanmoins à insuffler une dimension opératique. On y suite Vi et Jinx, deux sœurs ayant connu une enfance difficile dans les souterrains de Zaun, que le destin va tragiquement séparer, tandis qu’en parallèle deux scientifiques de Pitlover, Jayce et Viktor, parviennent à stabiliser une molécule magique permettant de grandes avancées technologiques.
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Une adaptation réussie
L’une des réussites d’Arcane, outre sa direction artistique, est d’avoir su faire d’un matériau d’origine a priori pauvre d’un point de vue narratif (puisque LoL repose moins sur son histoire que ses mécaniques de jeu), un formidable générateur de récits. Les fans devraient bien entendu se repaître des mille références faites au jeu, tandis que les profanes découvriront un monde qui existe par lui-même et ne semble pas (impression de profane) entièrement assujetti à son propre culte, ni saturé d’easter eggs connivents à destination des gamers only.
Une rareté dans le monde indigent des adaptations de jeux vidéo, qui bien souvent, succombent aux sirènes du fan service et semblent plus attachés à caresser les amateurs dans le sens du poil qu’à raconter une histoire qui existerait autrement qu’à travers sa qualité de produit dérivé.
Passé ce constat réjouissant, Arcane ne révolutionne pas le territoire, tant de fois foulé, qu’elle investit, et emprunte allègrement aux milles autres récits de fantasy qui l’ont précédé. Une société entièrement verticale, avec ses riches la tête dans les nuages et ses pauvres pataugeant dans la crasse, des rumeurs de révolutions qui grondent dans les souterrains, des intrigues politiques qui s’ourdissent dans les travées de palais célestes, deux sœurs séparées à l’enfance devenues rivales, un pouvoir magique aux capacités démentielles qui ferait bien de ne pas tomber dans de mauvaises mains… Tous les ingrédients du récit de fantasy en déploiement constant, avec sa galaxie d’us et coutumes que le spectateur apprivoise à mesure qu’il découvre ce monde, ses codes liminaires et ses centaines d’annexes, son récit en forme de monomythe campbellien : un enfant des bas-fonds qui observe des profondeurs d’une cité coupée en deux les tours d’ivoires tutoyant les nuages et se jure de changer le monde, quoiqu’il en coûte.
Calibré pour un public adolescent et young adult, Arcane est une réussite, qui parvient à se départir de son matériau d’origine pour raconter sa propre histoire. Si l’on tempérera les ardeurs de certains spectateurs, qui la hissent (très) haut dans le panthéon de la série TV, on peut néanmoins se réjouir de l’existence d’une adaptation d’un jeu vidéo (de surcroît extrêmement populaire) qui parvienne à être autre chose qu’un produit d’appel sans vision.
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